Les salaires vont augmenter... surtout dans les grands groupes

Dans les grandes entreprises, les augmentations de salaires, parfois substantielles, sont au rendez-vous. Ailleurs, dans les PME, le ton est à la modération salariale, les effets de la crise n'étant pas dissipés.
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La recette est immuable. Prenez des entreprises du CAC 40 dont les profits reviennent à leur niveau d'avant la crise, ajoutez un peu d'inflation et vous obtiendrez un cocktail idéal pour des discussions salariales au ton parfois vif. Bientôt achevées, les négociations annuelles obligatoires (NAO) sur les salaires pour 2011 en témoignent avec leur lot de conflits: occupation de locaux chez DCNS (construction navale militaire), sites bloqués chez Thales Communications, manifestations des salariés d'Alcatel-Lucent (télécommunications), grève chez Prisma Presse ou encore au sein des établissements JC Decaux (affichage). L'exécutif n'est pas insensible à ce sujet. Et même s'il n'appartient pas au gouvernement de décider de la politique de rémunération dans le privé, le ministre du Travail Xavier Bertrand ne s'est pas privé d'estimer mardi qu'il fallait "encourager une évolution des salaires". Des mesures sur la participations pourraient prochainement être annoncées.

Les plus généreux

Alors qu'en est-il réellement dans les entreprises ? Sans surprise, les grandes groupes sont les plus généreux. Parmi les mieux lotis, les salariés de L'Oréal se voient accorder une revalorisation de 4,7% si l'on inclut les augmentations individuelles, après 4,4% en 2010. Le groupe a aussi décidé de verser en février une prime exceptionnelle de 500 euros, à laquelle s'ajoutera l'intéressement, qui a représenté 3 mois de salaires en 2010. EDF, pour sa part, a accordé une augmentation de 3,95% à ses salariés, après 4,1% en 2010. Dans le secteur bancaire, l'Association française des banques a octroyé, au niveau de la branche, une revalorisation de 4% par rapport au 1er janvier 2009 pour les salaires minima. Chez PSA, les mesures représenteront une hausse de 3%, contre 1,9% en 2010. Les salariés de Total ont obtenu une enveloppe comprise entre 3,3% et 3,5% pour les plus petits salaires. Quant aux industriels du médicament, ils feront bénéficier leurs salariés de deux revalorisations successives, de 1,5% et 0,4% en 2011, après une hausse de 1,5% en 2010. Mais ces chiffres ne rendent pas compte de la réalité de l'ensemble du tissu économique. L'activité n'a pas encore renoué avec ses niveaux d'avant la crise et les marges des entreprises portent encore la marque de cette sévère récession. Les salaires devraient donc encore en faire les frais : la modération salariale restera sans doute le mot d'ordre majoritaire cette année. D'autant que le chômage élevé : 9,1% prévu en 2011, selon l'Insee, fait pencher le rapport de force en faveur des entreprises et non des salariés.

Par ailleurs, au nom de la compétitivité, certains au gouvernement ne sont pas privés de reprendre à leurs comptes les mises en garde du président de la BCE sur d'éventuelles hausses de salaires en Europe. Ainsi, Christine Lagarde pour qui "les salaires ne doivent être augmentés que s'il y a augmentation de la productivité".

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Jean-Christophe Sciberras, président de l'Association nationale des DRH (ANDRH) : "la sortie de crise s'accompagne d'un rattrapage salarial en 2011, autour de 3%"

Avec la crise, les augmentations salariales dans les entreprises ont été plutôt modérées. Quelle tendance observez-vous pour 2011 ?

Nous assistons à un phénomène de sortie de crise, qui se traduit dans les entreprises par un léger rattrapage salarial en 2011 par rapport aux années précédentes. C'est particulièrement vrai au regard de l'année 2009 qui avait été une année rude, une année de crise des salaires dans les entreprises. Pour cette année, on observe une tendance autour de 3% en moyenne. On est plus haut que les prévisions réalisées à l'automne par le cabinet Hewitt, qui tablait sur des augmentations salariales tournant autour de 2,7% en 2011, quasiment identiques à celles observées pour l'année 2010.

Tous les secteurs d'activité profiteront-ils de la même manière de cette augmentation salariale ?

Les retombées pour les salariés seront bien sûr variables en fonction des secteurs professionnels. Mais la tendance à la hausse salariale est là. On le voit bien avec les grands groupes qui annoncent de bons résultats financiers. Et estiment important, en termes de cohésion, d'octroyer des augmentations salariales à leurs salariés. C'est notamment le cas chez Renault qui a décidé d'augmenter les salaires de 3%.

Les entreprises privilégient-elles en 2011 les augmentations collectives ou individuelles ?

En règle générale, le tout individuel est rare chez les non cadres qui sont concernés par des augmentations collectives avec un budget consacré aux promotions individuelles. Pour les cadres, les entreprises avaient tendance, depuis une quinzaine d'années, à privilégier les augmentations individuelles. Mais depuis quelques temps, elles ont tendance, comme pour les non-cadres à réintroduire des augmentations collectives. C'est une manière de ne pas pénaliser les cadres face à la hausse de l'inflation. Mais c'est aussi le résultat de l'influence d'organisations syndicales, comme la CFE-CGC, très mobilisée sur le sujet.

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Le ton monte chez EADS

Les négociations salariales, qui débuteront fin mars chez Airbus, s'annoncent déjà tendues. La faute à Aerolia, filiale d'EADS dans les aérostructures (fuselage, pointe avant) et dont les activités étaient auparavant au sein d'Airbus. Le puissant syndicat FO de l'avionneur toulousain ne décolère pas au vu des résultats des négociations chez Aerolia, considérée comme la petite soeur d'Airbus, où la direction n'a accordé qu'une augmentation globale de 2,6% à ses salariés. Pas assez, tonne FO Airbus, qui en revanche se satisfait de celle chez Sogerma, une autre filiale aérostructure d'EADS (2,8%) en raison de ses difficultés récentes. FO plaide pour une hausse de 2,8% chez Aerolia, ce que la direction d'EADS refuse. Seule la CGC a signé pour les cadres et va le faire pour les non-cadres (11% de représentativité) alors que la CFDT hésite et la CGT est contre. La fin du feuilleton est attendue pour lundi, date butoir de signature.

Politique très injuste
"Avec Aerolia, EADS veut tirer vers le bas les hausses salariales dans le groupe, notamment chez Airbus, déplore FO Airbus. EADS veut faire du low cost en France avec Aerolia qui va décrocher de la politique sociale d'Airbus. C'est aussi une politique très injuste pour les ouvriers par rapport aux avantages des 480 hauts cadres du groupe". Le syndicat fait aussi état de hausses salariales de 3% chez Renault, Peugeot, Labinal (Safran). Du coup, un atelier de mécanique d'Aerolia est en grève illimitée à Méaulte et commence, selon FO, à bloquer des pièces essentielles à la fabrication des pointes avant. Enfin, il appelle à une grève vendredi sur tous les sites d'Aerolia. Côté direction, on avance que des propositions complémentaires à la hausse salariale de 2,6% ont été faites aux syndicats : cinquante embauches et 20% de promotion supplémentaires, revalorisation de la prime de transport. D'une façon générale, la direction de EADS ne cache pas que les négociations sont et seront compliquées dans le groupe : dans un certain nombre de filiales (Cassidian, Eurocopter et Astrium), il est prévu en 2011 des élections professionnelles, propices aux surenchères. "Lors de ces discussions, nous tiendrons compte de la situation économique de chaque filiale et nous avons la volonté de parvenor partout à un accord par la négociation", précise le directeur des relations sociales de EADS, Frédéric Agenet.

Commentaires 2
à écrit le 27/10/2011 à 12:57
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pffff, y'aura rien comme d'hab . ! de la carotte c'est tout .

à écrit le 25/08/2011 à 10:01
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Et si on parlait d'IBM? Je ne vois rien venir...

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