Entretien d’embauche : pourquoi il faut dédiaboliser les questions interdites

Les questions d’un recruteur à un candidat « ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier la capacité à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles ». Le législateur a beau avoir parlé, il n’est pas toujours écouté. Si des abus et des discriminations ont rendu ce cadre nécessaire, se crisper sur l’interdit n’est pas pour autant constructif.

Dans le cadre de la lutte contre les discriminations, il est interdit aux recruteurs de questionner les candidats sur leur orientation sexuelle par exemple, ou leur religion, leur état de santé, leurs mœurs, leur situation familiale... Or il arrive qu'ils le fassent, pourquoi ? Peut-être, tout d'abord, parce qu'ils ne connaissent pas tous les critères discriminatoires. Notons aussi que ce n'est pas tant la question qui est interdite mais, comme le souligne Vincent Rostaing, fondateur de Le Cairn 4 IT« le fait d'utiliser une éventuelle réponse et de se servir de celle-ci comme d'un critère de choix. »

Parce qu'il y a mille façons pour un recruteur de poser ces questions sans les poser

On peut poser des barrières, l'envie de les enjamber ne disparaît pas pour autant. De plus, sans qu'il cherche à transgresser la loi, un recruteur peut de diverses façons éluder ces questions interdites tout en obtenant des réponses hors du champ auquel il est censé se cantonner. Parce qu'il évalue des savoir-faire mais aussi un savoir-être, un professionnel autant qu'une personne. Il peut en demandant de façon anodine « En tant que personne, qui êtes-vous ? », emmener le candidat au-delà des frontières fixées par la loi.

« Certains diront que nous n'avons pas à nous aventurer sur ce terrain-là, c'est discutable de mon point de vue, poursuit Vincent Rostaing. Car à trop nous concentrer sur la sphère technique en termes de compétences nous en oublions parfois que les entretiens sont tellement codifiés que recruteurs et candidats revêtent des masques et qu'il est important de pouvoir reconnaître ce qui relève du vernis qui vise à embellir et ce qui est profondément ancré. »

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Parce que les candidats sortent parfois spontanément du champ professionnel

Une candidate cherche un poste en SSII pour l'intérêt et la variété des missions. Elle s'ouvre spontanément de sa situation et de son désarroi au recruteur : mère de famille, célibataire, elle se heurte, en région parisienne, à des difficultés d'organisation (problèmes de garde d'enfant, temps de transport excessifs). Ensemble, grâce à un échange constructif, non intrusif, ils parviennent à trouver une solution : viser un poste équivalent dans la région où vit sa famille. Aucune question interdite n'a été posée par le recruteur mais il a a eu entre les mains une information sortant du cadre imposé, « la discrimination consisterait à exploiter cette information pour écarter cette candidate en lui opposant un manque de mobilité ou de disponibilité », pointe notre interlocuteur.

Parce que démêler le vrai du faux motif de rejet est mission impossible

Il convient par ailleurs d'insister sur le fait qu'il est courant qu'un candidat reçoive un motif officiel de rejet de sa candidature différent du motif véritable. L'application vertueuse de l'esprit de la loi est loin d'être évidente, « respecter stricto sensu le code du parfait recruteur conduit parfois à déguiser des choix discriminatoires sous de faux-semblants », poursuit-il.

Répondre, ne pas répondre : le conseil

Un recruteur vous pose des questions prohibées, détendez-vous, trois choix s'offrent à vous : répondre honnêtement, répondre moins honnêtement - autrement dit, mentir -, refuser de répondre en invoquant la loi.
Vincent Rostaing préconise la réponse honnête : « N'oubliez pas que le but de l'entretien est autant une occasion pour vous de choisir votre futur employeur que l'inverse, avez-vous vraiment envie de travailler pour une société qui ne respecte pas votre différence, vos convictions, vos valeurs ? » Mentir vous condamne à continuer de mentir pendant tout votre passage dans cette société, est-ce ce que vous voulez ? Quant à refuser de répondre au prétexte de la loi, c'est compatible avec la première option conseillée par Vincent Rostaing, soyez néanmoins conscient que cela risque de crisper le recruteur, de tendre l'échange. « Cela peut signer la fin de la partie. Toutefois, quand les questions du recruteur sont appuyées, malsaines, n'hésitez pas, la loi est faite pour cela ; avoir recours à cette solution est utile quand ces questions deviennent centrales dans l'entretien. »

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