Une brèche s'ouvre à la télé

Autrefois prohibé, le principe du placement de produits dans les oeuvres de télévision, émissions, jeux, fictions est désormais reconnu par la loi. Reste à en définir le cadre.

Demain, Jérôme, sémillant trentenaire héros de la série télé « Place de la Bourse », pourra peutêtre lire « La Tribune » à l'écran, sans que le nom de son quotidien préféré soit « flouté ». Ou que la chaîne qui a diffusé l'oeuvre ne se fasse taper sur les doigts par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) pour publicité clandestine. Car si la directive européenne des services de médias audiovisuels, adoptée en décembre 2007, prohibe le placement de produits dans les oeuvres et émissions destinées au petit écran, cette interdiction n'est plus que formelle. Des dérogations peuvent désormais être accordées à une simple condition : que les téléspectateurs soient informés du recours à cette pratique. Seules exceptions, les programmes destinés aux enfants, qui doivent rester vierges de tout placement de produits.

Une brèche est donc ouverte dans le mur qui sépare la publicité et la création audiovisuelle. Reste à poser les règles de cette nouvelle relation. Cette tâche revient au CSA, qui doit rendre sa copie d'ici à la fin de l'année. « La directive européenne a reconnu le droit au placement de produits, mais elle laisse à chaque État membre la possibilité d'établir un cadre plus restrictif. Le Royaume-Uni l'a ainsi refusé, alors que l'Allemagne et le Portugal ont dit oui », indique Christine Kelly, membre du CSA et présidente du groupe de travail Publicité et protection des consommateurs, qui dirige les auditions sur le sujet.

Auditions d'ici à l'été

Auteurs, représentants des associations de consommateurs, agences spécialisées et de publicité, chaînes de télévision, etc. : toutes les parties prenantes seront auditionnées d'ici à l'été. « Tout le monde s'accorde sur la nécessité de trouver de nouvelles sources de financement, mais les auteurs craignent que le placement de produits ne porte atteinte à leur droit moral », reconnaît Christine Kelly. Une crainte que les agences spécialisées balaient d'un revers de main. « En France, le final cut [montage final, Ndlr] appartient à l'auteur », avance Olivier Bouthillier, PDG de l'agence Marques & Films. Avant de rappeler que la pratique du placement de produits a déjà largement envahi les écrans via la diffusion de films de cinéma et l'importation des fictions américaines. La série « Desperate Housewives » par exemple et, avant elle, « 24 Heures chrono », diffusées l'une et l'autre sur Canal Plus, sont ainsi truffées de références aux marques.

« Pas vu, pas pris »

« En sachant qu'en moyenne nous plaçons trois à quatre produits sur une oeuvre, l'apport financier demeure faible par rapport au coût total de production, et ce ne sont pas les marques qui vont financer les films », assure Olivier Bouthillier. Peut-être ? Mais qu'adviendra-t-il des jeux et autres programmes de télé-réalité libérés des contraintes imposées par la loi ? À l'image de leurs homologues américains, les jurés de « Nouvelle Star » pourront-ils interpeller les artistes en devenir, un verre de Coca-Cola à la main, quand un Royal Cheese viendra rassasier la faim des aventuriers de Koh-Lanta ? Des questions auxquelles le CSA devra apporter une réponse claire, faute de quoi marques et producteurs risquent de s'adonner au « pas vu, pas pris »... Un jeu périlleux pour tous.

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