Peut-on encore gérer sa carrière sans nuire à sa vie de famille ?

À l'heure où une partie des Français se retrouvent dans les stations de ski avec leurs enfants, la culpabilité de ne pas assez profiter de la vie de famille se fait cruellement sentir.
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Et même si c'est la galère d'enfiler les moufles du petit dernier, d'être à 9 heures au cours de ski et d'obtempérer aux caprices tous azimuts pour absences répétées, tout cela apparaît désormais comme un investissement essentiel. Une enquête Ipsos le confirme : 81 % des Français considèrent que les moments qu'ils préfèrent sont ceux passés avec leur famille. 74 % souhaitant pouvoir lui consacrer davantage de temps. Un temps qui apparaît douloureusement comme irrécupérable. Ainsi, deux tiers admettent qu'ils auraient aimé partager plus de choses avec leurs parents lorsqu'ils étaient enfants. Sans doute le fait d'une génération de trentenaires ou de quadras dont les parents, cadres performants des années 1970 et 1980, surinvestis dans leurs entreprises, ont manqué à leur progéniture. Rousseau dans son « Émile » soulignait déjà que « la plus importante, la plus utile règle de toute l'éducation, ce n'est pas de gagner du temps, c'est d'en perdre ».

Valeur refuge

La famille, nouvelle valeur refuge ? C'est en tout cas le point le plus satisfaisant de la vie des Français, pourvoyeur de sécurité et de solidarité. La crise est passée par là. Le « travailler plus pour gagner plus » n'étant définitivement pas au rendez-vous, la consommation n'ayant pas tenu ses promesses de plaisirs infinis, les Français en tirent les conséquences : tels des Candide ayant cherché en vain la voie de la satisfaction, ils se retrouvent dans leur jardin, certains de pouvoir en récolter de plus beaux fruits qu'ils n'espéraient. Et même si ce n'est pas toujours l'Éden (19 % des individus sondés confient se disputer régulièrement au sein de leur foyer), le changement de paradigme de l'amour et de la vie en couple amène parents et enfants à reconsidérer la valeur de leurs liens. Ils y tiennent d'autant plus - y compris les plus jeunes, plus attachés à l'idéal familial qu'on ne veut bien le dire (69 % parmi les 16-24 ans) - que les relations conjugales sont incertaines et que les séparations se multiplient. Chacun commence à réaliser combien les valeurs collectives et affectives, centrées sur l'être et non sur l'avoir, sont peut-être plus à même de procurer un bonheur que la seule réussite matérielle ne sait pas offrir.

Dans ces conditions, la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale devient l'un des leviers clés de la prévention du stress au travail. Elle ne doit donc pas être une revendication des seuls employés mais aussi et d'abord concerner l'encadrement et le top management. Pour preuve l'étude Fondapol 2011 auprès des 16-29 ans du monde entier voit la famille triompher. Et, pour la jeunesse de la planète, la perspective d'en fonder une arrive en tête des éléments essentiels et nécessaires à une vie satisfaisante. L'éducation des enfants devenant un des espaces les plus investis de l'existence humaine, l'enfant et le temps passé avec lui apparaissent comme sacré. « Si le monde professionnel, par souci de performance et de rentabilité, se prend à profaner cet espace en empêchant l'individu d'y consacrer l'énergie qui lui paraît légitime, il s'aliène en retour l'engagement de ce même individu », met en garde Jérôme Ballarin, auteur de « Travailler mieux pour vivre plus ». Un enjeu à méditer sur le télésiège en regardant son bout d'chou d'un air attendri.

« Les racines de l'éducation sont amères, mais ses fruits sont doux. » Aristote

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