La Pologne condamnée pour complicité avec la CIA

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La Pologne condamnée pour complicité avec la CIA[reuters.com]
(Crédits : Reuters.com)

par Gilbert Reilhac

STRASBOURG (Reuters) - La Pologne a été condamnée jeudi par la Cour européenne des droits de l'homme pour avoir permis à la CIA de détenir illégalement sur son sol, et de torturer, un Saoudien et un Palestinien soupçonnés d'activités terroristes au début des années 2000.

La juridiction du Conseil de l'Europe juge Varsovie responsable dans les deux affaires de complicité de traitements inhumains et dégradants, de détention arbitraire, de violation du droit au respect de la vie privée et familiale et de violation des droits procéduraux des deux hommes.

"Sachant que les mauvais traitements et sévices infligés aux terroristes présumés détenus sous la garde des autorités américaines étaient largement connus du public, la Pologne aurait dû savoir que, en permettant à la CIA de détenir de telles personnes sur son territoire, elle leur faisait courir un risque sérieux de subir des traitements contraires à la Convention" européenne des droits de l'homme, dit-elle.

La Pologne devra verser à chacun des requérants 100.000 euros au titre du dommage moral. L'arrêt de chambre, rendu à l'unanimité des sept juges, est susceptible d'appel.

Le Saoudien Abd al Rahim al Nashiri, capturé en octobre 2002 à Dubaï, serait le principal responsable de l'attentat contre le navire USS Cole en octobre 2000 au Yémen, qui a tué 17 marins américains. Il aurait aussi joué un rôle dans l'attaque du pétrolier français, le Limbourg, en octobre 2002 dans le golfe d'Aden.

Le Palestinien Zayn al Abidin Husayn, dit Abou Zubaydah, était considéré, au moment de son arrestation en mars 2002 au Pakistan, comme l'un des principaux chefs du réseau Al Qaïda. Tous deux sont actuellement détenus dans la base navale américaine de Guantanamo, sur l'île de Cuba.

Les deux activistes auraient séjourné dans un centre de la CIA situé sur une base des services de renseignement polonais, Stare Kiejkuty, non loin de Szczytno, dans le nord de la Pologne, pour y être interrogés.

MENACES D'ABUS SEXUELS

Selon leurs avocats, ils auraient subi simulacres d'exécution, de noyade, maintien prolongé en "position de stress" et autres menaces d'abus sexuels sur leurs proches.

Les autorités de Varsovie ont refusé de s'exprimer sur ces faits en invoquant le secret d'une enquête ouverte en 2008 et toujours pendante sans qu'aucune inculpation ait été prononcée.

La Cour européenne condamne, dans son arrêt, le refus de la Pologne de lui fournir certains éléments de preuve, en infraction avec ses obligations, et dit s'autoriser à en tirer des conclusions négatives.

Elle juge en revanche "suffisamment convaincantes" les allégations des requérants.

Au lieu de faire en sorte qu'ils ne soient pas soumis à la torture, "la Pologne a en pratique facilité tout le processus et créé les conditions nécessaires à sa mise en œuvre", affirme l'arrêt en soulignant le soutien logistique apporté par Varsovie aux services secrets américains.

Le gouvernement polonais a également prêté son concours à leur transfert vers Guantanamo, où "il y avait un risque réel et prévisible qu'ils subissent un déni de justice flagrant", et, pour Nashiri, de se voir condamné à la peine de mort qu'interdit pourtant la Convention européenne des droits de l'homme.

Dans une démarche rare, la Cour prescrit à Varsovie de rechercher, auprès des autorités américaines, "l'assurance qu'une telle condamnation ne lui sera pas infligée".

C'est la seconde fois qu'un gouvernement est déclaré coupable, devant la Cour de Strasbourg, d'avoir favorisé les activités illégales de la CIA dans son combat contre le terrorisme engagé après les attentats du 11 septembre 2001.

Le 13 décembre 2012, la Macédoine a été condamnée à verser 60.000 euros à un Allemand d'origine libanaise pour l'avoir livré, en décembre 2003, aux services secrets américains qui l'avaient transféré en Afghanistan, où il avait été torturé.

Des requêtes similaires visant la Lituanie et la Roumanie sont pendantes devant la juridiction du Conseil de l'Europe.

(Edité par Yves Clarisse)

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