Chute du pétrole et crise du rouble fragilisent Poutine

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Chute du pétrole et crise du rouble fragilisent Poutine[reuters.com]
(Crédits : Reuters.com)

par Timothy Heritage

MOSCOU (Reuters) - L'effondrement du rouble entretenu par la faiblesse des cours du pétrole, au-delà de son impact sur le système bancaire russe, risque de peser sur la stabilité politique de la Russie en minant la popularité du président Vladimir Poutine.

La devise russe peine à se stabiliser mercredi au lendemain de plus bas records atteints contre le dollar et l'euro en dépit d'une hausse spectaculaire de 6,5 points, à 17%, du taux directeur de la banque centrale.

Le chef de l'Etat, qui tient jeudi sa traditionnelle conférence de presse annuelle, a imputé la crise de change à la spéculation et à la politique occidentale. Mais il lui sera difficile d'éluder ses conséquences pour l'économie russe, dont la banque centrale a prévenu qu'elle pourrait se contracter de 4,5% en 2015 si le pétrole tombe à 60 dollars le baril.

Le rouble, qui a perdu plus de 50% de sa valeur depuis le début de l'année, reprenait 2,7% face au dollar à 65,65 et 3,6% face à l'euro à 81,71 vers 14h00 mercredi.

Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a redit mardi que les sanctions imposées à la Russie pouvaient être levées rapidement si Moscou prenait de nouvelles mesures pour apaiser les tensions en Ukraine. Washington maintient toutefois la pression sur la Russie et Barack Obama devrait promulguer d'ici la fin de la semaine une loi autorisant de nouvelles sanctions et une aide militaire à Kiev.

Les desseins géopolitiques de Poutine ne sont pas seuls à être menacés par la crise du rouble et la baisse du pétrole.

L'homme fort du Kremlin risque aussi de voir remis en cause deux de ses principaux facteurs de soutien, à savoir la stabilité financière et une relative prospérité, qui ont favorisé permis l'émergence d'une classe moyenne urbaine.

"Poutine a surfé sur la vague de la hausse des prix du pétrole dans les années qui ont suivi son accession au pouvoir mais il ne fait aucun doute que l'économie va commencer à avoir des répercussions négatives sur la politique", prévient Nicholas Spiro, directeur de Spiro Sovereign Strategy.

Arrivé aux affaires en 1999, Vladimir Poutine ne semble pourtant pas guetté par l'usure du pouvoir, sa cote de popularité dépassant 80% dans les sondages d'opinion depuis l'annexion de la Crimée en mars.

PAS DE PANIQUE

Il n'a pas aucun rival déclaré, ses détracteurs l'accusant d'étouffer toute velléité critique, et la plupart des grandes entreprises du pays sont aux mains de ses alliés.

Pour l'instant, l'effondrement du rouble n'a provoqué aucune vague de protestation et le pays ne connaît ni ruée de déposants aux guichets des banques, ni files d'attente devant les magasins.

Certains instituts de sondage s'attendent toutefois à ce que le mécontentement lié à la crise du rouble et à la détérioration de la situation économique gagne peu à peu les classes moyennes, érodant la popularité du président.

"Il dispose d'une réserve de soutien qui peut durer un an et demi ou deux ans", a déclaré Lev Goudkov, qui dirige le Centre Levada, un institut de sondage indépendant. "Nous verrons les premiers signes de mécontentement au printemps."

Vladimir Poutine n'ignore pas que deux de ces prédécesseurs au Kremlin, Boris Eltsine, acculé à la démision par la crise financière de 1998, et Mikhaïl Gorbatchev, poussé vers la sortie par l'effondrement de l'économie soviétique, ont payé un lourd tribut politique à la chute des prix du pétrole.

Vladimir Poutine, son Premier ministre Dmitri Medvedev et la gouverneure de la banque centrale Elvira Nabioullina vont devoir agir vite. Mais les moyens à leur disposition sont limités.

La banque centrale a déjà relevé ses taux à trois reprises en deux mois, de 900 points de base au total, sans grand effet sur la glissade de la devise.

CERCLE VICIEUX

Les responsables russes font valoir qu'une devise plus faible se traduit par des recettes d'exportation de pétrole, de métaux, de céréales ou de gaz gonflées une fois converties en roubles, ce qui se retrouve dans les caisses de l'Etat.

Mais la dépréciation du rouble renchérit le coût de la dette libellée en devises et les grandes entreprises comme les banques russes, qui devront refinancer 120 milliards de dollars de dettes en 2015, sont exposées à un risque de rationnement du crédit.

Un risque d'autant plus élevé que l'accès de la Russie aux marchés de capitaux internationaux est restreint par les sanctions internationales liées à la crise ukrainienne.

"L'éventualité d'une crise bancaire en Russe ne peut être ignorée", préviennent les analystes d'Exane BNP Paribas, qui rappellent que la dette extérieure des banques russes représente 9% du PIB du pays et que 40% de cette dette est exigible à court terme.

De son côté, la Banque centrale européenne (BCE) se veut rassurante quant aux risques pour les banques européennes. Danièle Nouy, la présidente du Conseil de supervision de la BCE, a déclaré mercredi sur Europe 1 qu'"il n'y a pas de raison de craindre un désordre ou des difficultés".

Moscou n'a cessé d'affirmer qu'un contrôle des capitaux n'était pas à l'ordre du jour mais de nombreux analystes jugent une telle mesure inévitable. Les sorties de capitaux devraient largement dépasser la barre des 100 milliards de dollars en 2014 et en 2015 si rien n'est fait.

La banque centrale ne pourra pas non plus continuer longtemps de mobiliser ses réserves de change pour soutenir la devise. Elles ont déjà fondu à 416 milliards de dollars actuellement contre plus de 509 milliards au début de l'année.

Pour Vladimir Poutine, la meilleure chance d'enrayer la crise du rouble serait en fait une stabilisation du cours du pétrole. Mais en maintenant la production pour compenser la baisse des cours, la Russie, comme d'autres pays exportateurs de pétrole, ne fait qu'alimenter le cercle vicieux.

(Marc Joanny pour le service français, édité par Marc Angrand)

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