Au moins 30 morts à Marioupol, Kiev parle de grave escalade

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Au moins 30 morts a marioupol, dans l’est de l’ukraine[reuters.com]
(Crédits : © Stringer . / Reuters)

par Alessandra Prentice et Pavel Polityuk

KIEV (Reuters) - Au moins 30 personnes ont trouvé la mort et 83 autres ont été blessées samedi dans un bombardement qui a visé la ville portuaire de Marioupol, tenue par l'armée gouvernementale ukrainienne, a rapporté l'administration régionale.

Le chef séparatiste pro-russe Alexandre Zakhartchenko a déclaré que les rebelles avaient déclenché une offensive contre cette ville. "Aujourd'hui, une offensive a été lancée contre Marioupol", a-t-il annoncé lors d'une cérémonie à Donetsk, grande ville du Donbass aux mains des séparatistes.

Les rebelles, a-t-il dit, ont aussi l'intention d'encercler Debaltseve, une ville au nord-est de Donetsk, dans les jours à venir.

Le chef de l'Etat ukrainien, Petro Porochenko, présidera dimanche une réunion d'urgence du conseil de sécurité ukrainien afin de décider des mesures à prendre face à une "dégradation rapide" de la situation dans l'Est.

"Nous sommes pour la paix mais nous acceptons le défi lancé par l'ennemi. Nous protégerons notre patrie", a-t-il dit.

Le ministre ukrainien de la Défense, Stepan Poltorak, a fait état d'une grave escalade des combats au cours des dernières vingt-quatre heures sur l'ensemble des lignes de front.

"De la région de Louhansk jusqu'à Marioupol, partout, des groupes armés illégaux, épaulés par des unités russes, sont passés à l'offensive", a-t-il dit.

Federica Mogherini, Haute Représentante de l'Union européenne pour la diplomatie et la politique de sécurité, a condamné l'attaque contre Marioupol et estimé que toute nouvelle escalade entraînerait une "grave détérioration" des relations entre l'UE et la Russie.

Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a également dénoncé l'attaque et demandé à Moscou de mettre fin à son soutien aux rebelles.

"L'AGRESSEUR RUSSE"

Lors d'une visite à Zurich, en Suisse, il s'est offusqué de voir les séparatistes pro-russes "se vanter en public de ces offensives qui violent les accords de Minsk qu'ils ont pourtant signés".

Il a condamné "la décision irresponsable et dangereuse de la Russie de fournir ces dernières semaines aux rebelles des centaines de nouvelles pièces d'armement perfectionnées, notamment des roquettes, de l'artillerie lourde, des chars de combat et des véhicules blindés".

"Nous demandons à la Russie de mettre fin immédiatement à son soutien aux séparatistes, de fermer ses frontières avec l'Ukraine, de retirer (d'Ukraine) toutes ses armes et ses combattants, d'arrêter son soutien financier" aux rebelles.

"Si ce n'est pas le cas, les pressions américaines et internationales sur la Russie et ses agents ne pourront que s'accentuer", a ajouté le chef de la diplomatie américaine.

Le Premier ministre ukrainien, Arseni Iatseniouk, a dit voir dans le bombardement de Marioupol une attaque délibérée menée par les séparatistes contre des citoyens pacifiques mais, pour lui, la menace réelle vient d'au-delà des territoires insurgés.

"Le monde doit faire barrage à l'agresseur russe qui menace l'Ukraine, l'Europe et la sécurité internationale(...). Le problème est à chercher dans la ville de Moscou, au Kremlin: c'est Vladimir Poutine", a-t-il dit lors d'une réunion des responsables de la sécurité et de l'armée.

9.000 SOLDATS RUSSES EN UKRAINE, SELON POROCHENKO

Malgré les appels internationaux en faveur d'un cessez-le-feu, Zakhartchenko jurait dès vendredi que ses forces poursuivraient leur nouvelle offensive. Pour l'Onu, le conflit ukrainien est entré dans sa "phase la plus meurtrière" depuis la conclusion d'un accord à Minsk en septembre dernier.

Marioupol occupe, au bord de la mer d'Azov, une position stratégique sur la route menant de la frontière russe à la Crimée, presqu'île anciennement ukrainienne que Moscou a annexée en mars dernier.

Des missiles GRAD tirés par les séparatistes ont atteint un immeuble d'habitation et déclenché des incendies, a déclaré la municipalité de Marioupol.

Pour Oleksander Tourtchinov, secrétaire du Conseil national de défense ukrainien, il s'agit d'"un nouveau crime contre l'humanité commis par l'armée russe et les bandes de terroristes entièrement sous son contrôle".

Le bombardement a commencé en début de matinée, comme l'a rapporté un témoin, un retraité de 76 ans qui vit dans les faubourgs est de la ville.

"Les murs tremblaient, tout comme l'encadrement des fenêtres, et la peinture est tombée. Je me suis réfugié au sous-sol. Qu'est-ce que je pouvais faire d'autre? J'ai pris le chien et le chat avec moi. Au sous-sol, on pouvait entendre la terre trembler", a-t-il dit au téléphone.

Le conflit en cours depuis avril dernier dans l'est de l'Ukraine a fait plus de 5.000 morts.

Petro Porochenko a déclaré la semaine dernière que 9.000 soldats russes se trouvaient sur le territoire ukrainien et il a demandé à Moscou de les retirer, en les tenant responsables de l'agression armée en cours. Moscou continue de nier avoir envoyé des forces et des armes dans l'est de l'Ukraine, malgré ce que l'Occident présente comme des preuves irréfutables.

Les Nations unies ont déclaré vendredi que 262 personnes avaient péri dans les combats au cours des neuf jours précédents.

(Nicolas Delame, Eric Faye et Guy Kerivel pour le service français)