Trois cents survivants à Auschwitz, 70 ans après

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70e anniversaire de la liberation d'auschwitz[reuters.com]
(Crédits : Agencja Gazeta)

par Wiktor Szary et Wojciech Zurawski

OSWIECIM, Pologne (Reuters) - Quelque 300 survivants, rejoints par des dirigeants politiques venus du monde entier, se sont rassemblés mardi à Auschwitz, dans le sud de la Pologne, pour marquer le 70e anniversaire de la libération du camp par les troupes soviétiques.

Il y a dix ans, les rescapés avaient été 1.500 à participer aux cérémonies d'anniversaire.

Les nazis ont procédé durant la Seconde Guerre mondiale à l'extermination d'environ 1,1 million de personnes dont 90% de juifs, principalement originaires d'Europe de l'Est, dans les camps construits près de la ville polonaise d'Oswiciem.

Vladimir Poutine, qui était présent en 2005 aux côtés d'autres chefs d'Etat et de gouvernement, n'a pas fait cette année le déplacement en raison de l'aggravation de la situation dans l'est de l'Ukraine.

Dans un contexte de très forte tension, les autorités polonaises ne lui ont pas adressé d'invitation diplomatique complète. "Il y a une guerre en cours dans l'est de l'Ukraine", a déclaré le ministre polonais de la Justice Cezary Grabarcyk à la radio ZET. "On peut difficilement imaginer, dans ces conditions, que nous puissions accueillir le président russe."

Vladimir Poutine, qui s'est fait représenté par son directeur de cabinet, Sergueï Ivanov, a toutefois envoyé un message soulignant le rôle de l'Armée rouge dans la victoire de 1945 et ajoutant que les soldats soviétiques avaient "non seulement sauvé le peuple juif mais aussi tous les peuples d'Europe et du monde".

Le président ukrainien Petro Porochenko était présent en revanche ainsi que le président allemand Joachim Gauck et le président français François Hollande pour cette journée de prières et de dépôts de gerbes sur le site transformé en musée.

REGAIN D'ANTISÉMITISME

Ces commémorations interviennent dans un contexte de regain d'antisémitisme en France avec les attentats qui ont coûté la vie à 17 personnes dont quatre juifs tués dans un supermarché casher début janvier.

Les organisations juives d'Europe ont mis en garde contre cette situation alimentée par les frustrations provoquées par la politique d'Israël à l'égard des territoires palestiniens, par les tensions sociales liées à l'immigration et par les difficultés économiques exploitées par les mouvements extrémistes.

Avant de se rendre en Pologne, François Hollande, lors d'un discours au mémorial de la Shoah à Paris, a annoncé mardi matin l'adoption prochaine d'un plan de lutte contre le racisme et l'antisémitisme.

"Je souhaite que le gouvernement présente d'ici la fin du mois de février un plan global de lutte contre le racisme et l'antisémitisme après une large concertation", a-t-il dit en confirmant la généralisation de la caractérisation raciste et antisémite comme circonstance aggravante d'un délit.

Il a aussi demandé aux grands groupes de plates-formes internet d'empêcher, sans attendre la mise en place d'un cadre juridique européen, la propagation des idées antisémites et négationnistes sur la toile.

"Ils ne peuvent plus fermer les yeux ou alors ils seront considérés complices", a-t-il dit en tentant de rassurer les juifs de France sur leur avenir dans leur pays.

"Vous, Français de confession juive, votre place est ici, chez vous, la France est votre patrie", a-t-il ajouté. "A tous nos concitoyens, à vous, à vous qui êtes les témoins, je veux dire que la France protégera, protégera tous ses enfants, qu'elle ne tolérera aucune insulte, aucun outrage, aucune profanation."

"DÉMONS ÉTERNELS"

La chancelière allemande Angela Merkel, lundi, a appelé le monde à la vigilance "pour la défense de la liberté, de la démocratie et du droit".

L'Holocauste est "une chose qui est pratiquement incompréhensible pour l'esprit humain", a déclaré David Wisnia, 88 ans, survivant de ce camp de la mort. "Je prie Dieu pour que nous, en tant qu'êtres humains, nous puissions tirer des enseignements de cela."

Le cinéaste américain Steven Spielberg s'est entretenu lundi avec des survivants réunis dans la ville de Cracovie située à quelques dizaines de kilomètres.

"Si vous êtes juif aujourd'hui, en fait si vous êtes quelqu'un qui croit à la liberté religieuse, à la liberté de parole, à la liberté d'expression, comme beaucoup d'autres, vous êtes à nouveau confronté aux démons éternels de l'intolérance", a-t-il commenté.

Le réalisateur de "La Liste de Schindler", qui raconte l'histoire d'un Allemand ayant sauvé plus d'un millier de juifs polonais, a émis l'espoir que les commémorations de mardi puissent servir d'avertissement pour les générations futures.

(Avec Erik Kirschbaum à Berlin et Lidia Kelly à Moscou; Pierre Sérisier et Julien Ponthus pour le service français)