La presse s'alarme d'un texte sur le secret des affaires

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PARIS (Reuters) - Des dizaines de sociétés de journalistes, agences de presse et sociétés de production s'élèvent contre une disposition sur le "secret des affaires de la loi Macron " qui menace, selon elles, de museler la presse et les lanceurs d'alerte.

"Le législateur instaure comme nouvelle arme de dissuasion massive contre le journalisme un 'secret des affaires' dont la définition autorise ni plus ni moins une censure inédite en France", s'alarment-ils mercredi dans Le Monde.fr.

Le ministre des Finances, Michel Sapin, a assuré que l'objectif de la disposition en question du projet de loi qui porte le nom de son collègue chargé de l'Economie, Emmanuel Macron, était uniquement "de protéger un certain nombre de brevets" et que cette disposition serait modifiée lors du débat parlementaire afin de protéger les lanceurs d'alerte.

"On préfère conserver pour nous-mêmes, pour la France, pour nos entreprises, pour les salariés, pour les emplois, le secret sur cette ingéniosité", a-t-il expliqué sur RTL.

L'amendement adopté en commission stipule que la responsabilité civile de l'auteur d'une atteinte au secret des affaires sera écartée en cas de sauvegarde d'un "intérêt supérieur, comme l'exercice légitime de la liberté d'expression ou d'information".

Mais les nombreux signataires de la tribune, dont des journalistes d'investigation, ainsi que l'association de la presse judiciaire, dénoncent ses effets pervers.

Le "secret des affaires" défini dans l'amendement recouvre "une information non publique, qui fait l'objet de mesures de protection raisonnables" et qui a "une valeur économique".

Or, pour les journalistes, le texte "laisse la libre interprétation aux seules entreprises de ce qui relèverait désormais du 'secret des affaires'".

"Autrement dit, avec la loi Macron, vous n'auriez jamais entendu parler du scandale du Mediator ou de celui de l'amiante, de l'affaire Luxleaks, UBS, HSBC sur l'évasion fiscale, des stratégies cachées des géants du tabac, mais aussi des dossiers Elf, Karachi, Tapie-Crédit lyonnais, ou de l'affaire Amésys", écrivent les signataires.

Avec ce texte, un juge saisi par l'entreprise sera appelé "à devenir le rédacteur en chef de la nation, qui décide de l'intérêt ou non d'une information", ajoutent-ils.

Une disposition prévoit que la justice puisse empêcher la publication ou la diffusion d'une enquête et le journaliste violant le "secret des affaires" encourt trois ans d'emprisonnement et 375.000 euros d'amende. Le même tarif serait appliqué aux lanceurs d'alerte.

(Gérard Bon, édité par Yves Clarisse)