Volée de critiques avant le vote de la loi renseignement

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Les critiques se multiplient a la veille du vote de la loi renseignement[reuters.com]
(Crédits : © Philippe Wojazer / Reuters)

PARIS (Reuters) - Les critiques se multiplient à la veille du vote du projet de loi sur le renseignement, objet lundi d'une journée d'action contre un texte censé doper la lutte contre le terrorisme mais jugé "liberticide" par ses détracteurs.

Le projet de loi, qui vise notamment à légaliser les pratiques clandestines des services de renseignement, sera présenté mardi dans l'hémicycle par le Premier ministre lui-même, après en avoir référé à un groupe socialiste où certains élus ont fait part de leurs réticences.

Une réunion rassemblant plusieurs organisations de défense des libertés individuelles comme Amnesty International et des formations politiques comme Europe Ecologie-Les Verts (EELV), s'est tenu lundi matin, avant une manifestation dans la soirée, non loin de l'Assemblée, de 18 organisations, des syndicats aux magistrats en passant par des journalistes.

L'objectif affiché des participants à la réunion était de convaincre les députés de ne pas voter ce texte.

"Rien ne justifie une telle atteinte aux libertés et à la vie privée. Rien ne garantit l'efficacité du dispositif. Il faut un autre projet de loi", affirme EELV dans un communiqué.

"Nous exhortons les députés à protéger les droits et libertés en s'engageant à voter contre ce projet de loi", renchérit La Quadrature du Net, organisation de défense des droits et libertés des citoyens sur internet.

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, où siègent les législateurs de 47 pays, a dit il y a deux semaines son opposition aux techniques de surveillance massives comme moyen de lutte contre la criminalité et le terrorisme.

La Commission consultative des droits de l'Homme (CNCDH) a également critiqué ce texte qui, estime-t-elle, met en place un système de "surveillance généralisée et indifférenciée".

Des accusations aussitôt rejetées par le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, dans une lettre adressée à la CNCDH dans laquelle il affirme que le projet de loi "n'instaure aucune surveillance de masse".

QUELQUES SOCIALISTES VOTERONT CONTRE

Le projet de loi, qui a été examiné par les députés durant la première quinzaine d'avril, sera sans nul doute voté mardi.

Les groupes écologistes, Front de gauche, ainsi que quelques socialistes devraient toutefois voter contre ce texte, de même que des élus UMP comme Lionel Tardy et l'ancien conseiller spécial de l'ex-président Nicolas Sarkozy, Henri Guaino.

Les deux élus du Front national ont quant à eux fustigé un "flicage généralisé".

Préparé depuis plus d'un an par le président PS de la commission des Lois, Jean-Jacques Urvoas, le texte a été revu au lendemain des attentats qui ont fait 17 morts début janvier.

Il prévoit que les opérateurs télécoms, les hébergeurs et les réseaux du net devront installer des "boites noires" destinées à filtrer les communications.

Les services de renseignement pourront utiliser "valises espionnes" jusqu'ici réservées à la justice et qui permettent de capter des conversations dans un rayon de 500 mètres.

De plus, et contre l'avis de la ministre de la Justice Christiane Taubira, les agents de l'administration pénitentiaire pourront utiliser en prison des techniques de renseignement.

Le Premier ministre, qui a assisté au début et à la fin de l'examen du texte en séance et qui sera présent mardi au moment du scrutin, a lancé des appels en faveur d'un vote le plus large possible en appelant au "sens de l'Etat" des uns et des autres.

Face au tollé, François Hollande a annoncé qu'il saisirait le Conseil constitutionnel dès l'adoption définitive du texte par le Parlement, ce qui constitue une première.

Le Sénat devrait examiner le projet de loi en juin.

Le gouvernement a décidé d'appliquer la procédure dite "accélérée", qui réduit le nombre de navettes entre les deux assemblées, afin que le texte soit définitivement adopté en juillet, avant la pause estivale.

(Emile Picy, édité par Yves Clarisse)