Manuel Valls veut contourner les rigidités du marché du travail

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PARIS (Reuters) - Faute de majorité et de soutien syndical pour attaquer de front les rigidités du marché du travail, accusées d'être en partie responsables du chômage en France, le Premier ministre Manuel Valls est en quête d'une voie de contournement.

Une mission chargée de réfléchir à l'élargissement du rôle de la négociation collective dans l'élaboration du droit du travail et des normes sociales a tenu lundi sa première réunion à France Stratégie, un think tank placé auprès de Matignon.

Il y a actuellement environ 40.000 accords d'entreprises conclus chaque année en France.

Mais "la place donnée à l'accord collectif par rapport à la loi dans le droit du travail en France est encore trop limitée", constate Manuel Valls dans la lettre de mission de son chef, le conseiller d'Etat Jean-Denis Combrexelle.

"Les partenaires sociaux ne se saisissent pas suffisamment des souplesses que la loi leur donne pour déroger au cadre réglementaire 'standard'", ajoute-t-il.

Pourtant, fait valoir le Premier ministre, la norme négociée, notamment dans les entreprises, est mieux à même de prendre en compte leur diversité économique et sociale.

Les propositions demandées pour septembre au groupe d'experts dirigé par Jean-Denis Combrexelle viendront compléter le projet de loi sur la modernisation du dialogue social, que le gouvernement veut faire voter cet été par le Parlement.

Selon l'exposé des motifs, ce texte entend remédier au formalisme du dialogue social dans les entreprises, qui entrave la recherche de solutions adaptées.

C'est le préalable à un rôle accru des accords majoritaires négociés en entreprise, demandé par le patronat, Medef en tête.

Mais l'échec, en janvier, des négociations des partenaires sociaux sur cette question a contraint le gouvernement à tenter de se tenir à égale distance du patronat et des syndicats et le résultat est loin des ambitions initiales.

UNE DEMANDE DU MEDEF

"Il faudra aller plus loin dans la réforme, pour donner plus de place au dialogue social de terrain, dans les entreprises et les branches professionnelles", admet le Premier ministre.

L'objectif est une "meilleure adaptabilité des normes aux besoins des entreprises, ainsi qu'aux aspirations des salariés".

Cela concerne notamment l'organisation et la durée du travail, ainsi que les rémunérations, même si Manuel Valls ne le dit pas aussi clairement dans la lettre de mission.

Le Medef souhaite l'extension aux entreprises en phase de développement des dispositions prévues par les accords de maintien dans l'emploi, qui permettent à celles qui sont en difficulté de déroger temporairement à la loi, notamment en matière de durée du travail et de modération salariale.

"Entre le tout Etat et le tout entreprise, il y a toute une gamme de possibles. La question est de savoir où on va mettre le curseur", estime de son côté Jean-Dominique Simonpoli, président de l'association Dialogues et membre de la mission Combrexelle.

Cet ancien syndicaliste voit dans le développement des dérogations par voie d'accords collectifs un "processus assez inévitable" et une possibilité de développer les organisations syndicales et leurs activités.

"Dès l'instant où on les responsabilise, on leur donne plus de pouvoir dans l'entreprise", a-t-il déclaré à Reuters.

Manuel Valls invite la mission à porter une attention particulière aux PME et aux très petites entreprises (TPE), où la syndicalisation est faible, et à s'inspirer de l'articulation entre loi et accords collectifs dans les autres pays.

Il lui demande aussi de faire preuve d'audace et ne pas se limiter à de simples aménagements du cadre législatif actuel.

(Emmanuel Jarry)