COP21 : douze jours pour enrayer le réchauffement de la planète

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La cop21 s'ouvre officiellement lundi a paris[reuters.com]
(Crédits : © David Gray / Reuters)

par Emmanuel Jarry

PARIS (Reuters) - Des délégués de la quasi totalité des pays du monde afflueront à partir de dimanche aux portes de Paris pour tenter de s'accorder sur les moyens d'enrayer les dérèglements climatiques provoqués par l'activité humaine, sur fond de menace terroriste.

Cette 21e conférence des 196 parties signataires de la convention de l'Onu sur le climat (COP21) est considérée comme une des dernières chances d'engager la planète sur la voie d'une économie sobre en énergie fossile et en carbone, avant que son réchauffement ne prenne des proportions catastrophiques.

La première réunion des négociateurs chargés de préparer un projet d'accord a été avancée à dimanche, sans attendre l'ouverture officielle de la COP21 lundi, pour gagner du temps.

Le parc des expositions du Bourget, où 40.000 à 45.000 personnes sont attendues pendant 12 jours, est à une station de RER de Saint-Denis, où l'organisateur présumé des attentats du 13 novembre à Paris, Abdelhamid Abaaoud, a été abattu le 18.

Ces attentats, qui ont fait 130 morts, ont contraint les autorités à renforcer le dispositif de sécurité et à interdire les marches prévues en marge de la COP21.

Ils n'ont en revanche pas dissuadé 150 chefs d'Etat et de gouvernement, dont l'Américain Barack Obama, le Chinois Xi Jinping, l'Indien Narendra Modi et le Russe Vladimir Poutine, de venir lundi ouvrir officiellement la conférence.

Pour Nicolas Hulot, conseiller spécial de François Hollande, le contexte créé par les attentats de Paris impose "une forme d'obligation morale" et de responsabilité aux participants.

"Tout cela nous ramène très brutalement et très tragiquement à l'essentiel", estime-t-il. "Je pense que ce contexte crée une obligation et j'espère que c'est cela qui l'emportera."

Nombre d'experts n'hésitent d'ailleurs pas à lier lutte contre le réchauffement de la planète et contre le terrorisme en invoquant l'aggravation de l'extrême pauvreté, les déplacements massifs de population et la déstabilisation des Etats les plus vulnérables provoqués par les dérèglements climatiques.

Or 2015 s'annonce déjà comme l'année la plus chaude depuis la fin du 19e siècle, selon l'Organisation météorologique mondiale, qui prédit un nouveau record en 2016.

Et si rien n'est fait pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), ce réchauffement pourrait atteindre 4,1 à 4,8°C en 2100 par rapport à 1850-1900, estime le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).

"UN OBJECTIF POLITIQUE"

Un des enjeux de la COP21 est de confirmer l'objectif d'un réchauffement contenu à 2°C maximum à la fin du siècle, tout en conciliant les intérêts contradictoires des pays développés, émergents et en voie de développement.

Même stabilisé à 2°C, ce réchauffement continuera à avoir un impact négatif, estiment les experts. Selon la Banque mondiale, 100 millions de personnes de plus pourraient ainsi basculer dans l'extrême pauvreté d'ici 2030. Et le GIEC estime que le niveau des océans pourrait encore monter de près d'un mètre d'ici 2300.

"Ce seuil de 2° a été jugé raisonnable par les décideurs politiques. C'est un objectif avant tout politique", souligne Serge Planton, qui dirige la recherche sur le climat à Météo France et participe aux travaux du GIEC.

Selon le GIEC, cela revient à laisser dans le sol au moins 80% des réserves d'énergie fossile (hydrocarbures, charbon) aujourd'hui connues et aisément accessibles.

Si les pays les plus vulnérables jugent cet objectif encore insuffisant et préfèreraient le voir porté à 1,5°, d'autres, comme l'Inde, ont traîné les pieds avant de l'adopter.

La nouveauté, par rapport aux précédentes COP, outre la mobilisation d'un monde des affaires qui sent le vent tourner et voit dans le verdissement de l'économie une source de profits, est que 177 pays représentant plus de 90% des émissions globales ont déposé auprès de l'Onu des plans de réduction des GES.

Mais l'addition de leurs engagements nationaux est encore loin de placer la planète sur la trajectoire des 2°C. Selon les évaluations, elle oscillerait plutôt entre 2,7 et 3°.

D'où un autre enjeu de la COP21 : la mise en place d'un mécanisme de révision de ces engagements, des objectifs globaux et des outils pour les atteindre, couplé à un dispositif fiable et transparent de mesure et de vérification des résultats.

Lors de la réunion ministérielle préparatoire à la COP21 qui s'est tenue du 8 au 10 novembre à Paris, l'idée a été avancée de procéder à un premier bilan dès 2018-2019.

Deux autres questions sensibles sont au coeur de la COP21 : la différenciation des responsabilités des différents pays dans le réchauffement climatique, et donc de leurs obligations, et le financement de l'adaptation des Etats les plus vulnérables.

STATUT JURIDIQUE

Nombre de pays en développement subordonnent à l'accès à ce financement international la pleine exécution de leur programme national de réduction des émissions de GES.

La conférence de Copenhague, en 2009, a fixé à 100 milliards de dollars par an les fonds publics et privés à dégager d'ici 2020. Mais les pays potentiellement bénéficiaires souhaitent que ce montant soit considéré comme un plancher minimum, alors que la cible des 100 milliards reste encore à atteindre.

L'Inde réclame en outre de vastes transferts de technologie pour permettre aux pays en développement d'accéder aux procédés industriels innovants et aux énergies renouvelables susceptibles d'accélérer leur adaptation au changement climatique.

Un point de divergence avec les Etats-Unis : "Les Américains ne veulent pas céder sur la remise en cause des droits de propriété intellectuelle", explique Pierre Radanne, ex-président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et conseiller officieux de l'exécutif français.

Reste aussi à régler le statut d'un éventuel accord.

Le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, a jeté un froid en déclarant le 11 novembre au Financial Times que ce ne serait "certainement pas un traité" avec des "objectifs juridiquement contraignants" comme le protocole de Kyoto, conclu en 1997 mais jamais ratifié par les Etats-Unis.

François Hollande, qui joue en partie sa crédibilité sur le seul grand rendez-vous international de son quinquennat en France, a aussitôt répliqué : "Si l'accord n'est pas juridiquement contraignant, il n'y a pas d'accord."

Quant à la question d'un prix du carbone, jugé nécessaire par un nombre croissant d'acteurs économiques pour orienter les investissements vers une économie décarbonée, elle sera évoquée mais ne fait pas partie du mandat de la COP21.

Les négociateurs des 195 pays et de l'Union européenne s'efforceront au cours de la première semaine d'éliminer les multiples options contradictoires qui criblent le projet de texte issu des discussions préparatoires.

Ils passeront ensuite la main au niveau ministériel, pour une ultime ligne droite très politique, censée s'achever le 11 décembre par un compromis en bonne et due forme.

Les dirigeants français veulent croire que la COP21 marquera un point de départ vers un nouveau modèle économique, même s'ils restent prudents sur l'ampleur de l'accord à en attendre.

"De toute façon, quelle que soit son issue, cette conférence est utile", estime Nicolas Hulot. "La question est de savoir si on aura fait la moitié ou les trois quarts du chemin."

(Edité par Yves Clarisse)