Manuel Valls l'ambitieux à la conquête de l'Elysée

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par Elizabeth Pineau et Gérard Bon

PARIS (Reuters) - Libéré par le renoncement de François Hollande, Manuel Valls s'est lancé dans la course à la présidence de la République, le rêve de cet ambitieux naturalisé français à 20 ans qui tentera d'unir un Parti socialiste à la dérive autour de sa candidature.

"Je me prépare", avait déclaré fin novembre le locataire de Matignon depuis deux ans et demi, provoquant l'ire du camp "hollandais" qui y voyait une pression sur le chef de l'Etat, trois jours avant la décision du président.

Il a franchi le pas lundi, dans son fief d'Evry (Essonne).

"J'ai cette force en moi, cette volonté de servir mon pays, c'est au-delà des mots, c'est une conviction totale, je veux tout donner pour la France qui m'a tant donné", a-t-il dit.

S'il n'a jamais caché son ambition d'accéder un jour aux plus hautes fonctions, initialement programmée pour 2022, Manuel Valls, 54 ans, aura fort à faire pour rassembler une gauche en partie rétive à son égard.

L'aile gauche du PS ne pardonne pas à l'ancien ministre de l'Intérieur d'avoir soutenu le projet de déchéance de nationalité pour les personnes coupables de terrorisme, qualifié d'"erreur" par François Hollande lui-même.

Les "frondeurs" socialistes se souviennent aussi de son passage en force, via l'article 49-3 de la Constitution permettant d'adopter des textes sans vote, sur deux projets relatifs à la relance de l'économie et au Code du travail.

Clivantes aussi, les positions du Premier ministre sur la République et le rôle de l'islam en France qui ont notamment alimenté le débat de l'été dernier sur le port du "burkini", maillot de bain porté par des femmes musulmanes.

S'il ne fait pas l'unanimité, "l'homme aux 5%" des voix recueillies à la primaire du Parti socialiste en 2011 peut compter sur des sondages de popularité encourageants.

Près de la moitié des sympathisants de gauche (45%) interrogés après le renoncement de François Hollande disent souhaiter qu'il soit le candidat du PS à la présidentielle de 2017, selon un sondage Ifop pour le Journal du dimanche.

Ils n'étaient que 38% à le désigner parmi une liste de candidats avant l'annonce du président de la République jeudi.

La progression du Premier ministre se retrouve de la même manière chez les sympathisants du Parti socialiste, qui disent à 61% souhaiter qu'il soit le candidat désigné du PS après l'annonce du président, contre 54% auparavant.

L'HOMME D'EVRY

C'est à Evry, ville populaire de la région parisienne, que Manuel Valls a entamé son ascension politique bâtie sur une réputation d'homme à poigne du Parti socialiste, ébauchée à la fin des années 1990, peaufinée au ministère de l'Intérieur (2012-14) puis à Matignon, où il entre en avril 2014.

Classé à l'aile droite du PS, cet ambitieux à la gestuelle énergique qui pratique la boxe, a été longtemps le ministre le plus populaire du gouvernement en s'affichant sans complexe comme le "premier flic de France".

Avant d'accéder à l'Intérieur, ce Catalan au verbe tranchant tenait l'essentiel de son expérience de ses quatre ans au cabinet de Lionel Jospin en tant que conseiller pour la communication, et de ses mandats de maire d'Evry depuis 2001 et de député de l'Essonne depuis 2002.

Né en 1962 à Barcelone d'un père espagnol et d'une mère à la double nationalité espagnole et suisse, ce diplômé d'histoire, grand admirateur de Georges Clémenceau, est l'un des rares hommes politiques français à avoir acquis la nationalité par naturalisation, à l'âge de 20 ans.

"J'ai passé un entretien au commissariat du 4e arrondissement de Paris et dû répondre à des questions sur mes parents et sur ma vie personnelle", raconte-t-il en mars 2015 au Parisien Magazine. "C'est à ce moment-là, sans doute, que la question de la nationalité française s'est imposée à moi".

INIMITIÉS AU PS

Entré à 17 ans au PS, Manuel Valls rallie d'abord Michel Rocard et sa "deuxième gauche", avant de devenir jospiniste puis, sur le tard, défenseur de François Hollande qu'il rallie dès le soir du premier tour de la primaire de 2011.

Son discours "décomplexé" et ses positions dérangeantes au yeux du PS lui ont valu des inimitiés tenaces, de la maire de Lille Martine Aubry à celle de Paris Anne Hidalgo en passant par l'ex-ministre de la Justice, Christiane Taubira.

Son arrivée au gouvernement provoque le départ des ministres écologistes, dont Cécile Duflot, en désaccord avec ses positions sur le nucléaire ou l'immigration.

L'été suivant, en août 2014, les ministres Arnaud Montebourg (Economie), Benoît Hamon (Education nationale) et Aurélie Filippetti (Culture) quittent son gouvernement après avoir trop ouvertement critiqué sa politique économique.

Considéré avec méfiance par les "hollandais" qui n'ont pas toujours cru à sa loyauté affichée envers le président, Manuel Valls peut compter sur l'appui d'amis de longue date comme le sénateur Luc Carvounas, le député Carlos Da Silva, les ministres Jean-Marie le Guen et Jean-Jacques Urvoas ou encore Harold Hauzy et Christian Gravel, qui ont travaillé à ses côtés à Matignon.

Père de quatre enfants, Manuel Valls s'est remarié en 2010 à la violoniste Anne Gravoin.

(Edité par Yves Clarisse)