Examen de passage à Berlin pour Fillon le souverainiste

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Fillon a berlin pour rencontrer merkel en tant que candidat[reuters.com]
(Crédits : © Stephane Mahe / Reuters)

par Sophie Louet

PARIS (Reuters) - François Fillon aborde lundi l'angle international de sa campagne en se rendant à Berlin afin d'exposer à Angela Merkel ses propositions de relance de l'alliance franco-allemande au service d'une Union européenne "resserrée" sur la zone euro, perspective qui n'a guère les faveurs de la chancelière.

La dirigeante allemande, dont la préférence pour le profil plus modéré et plus "européo-communautaire" d'un Alain Juppé dans la primaire de la droite n'était pas un mystère, place désormais ses espoirs dans le candidat Fillon pour préserver l'Europe de Marine Le Pen, un scénario pris très au sérieux à Berlin au vu des sondages actuels pour la présidentielle.

Angela Merkel, qui briguera un quatrième mandat en septembre, et François Fillon, tous deux âgés de 62 ans, ont travaillé ensemble lorsque ce dernier était Premier ministre de Nicolas Sarkozy, une période marquée par les cahots du tandem "Merkozy". Ils partagent pragmatisme, réserve, souci de "dire la vérité" et volonté réformatrice.

Mais l'accord est loin d'être parfait sur les sujets diplomatiques, notamment la Russie et les modalités de relance de l'UE après le Brexit. Et les tirades gaulliennes du souverainiste François Fillon sur sa détermination à redonner à la France "la première place" en Europe interrogent.

"Il fait de la politique intérieure. Qu'on soit premier ou deuxième, ce n'est pas grave, l'important c'est qu'on soit ensemble", tempère l'eurodéputé Alain Cadec, qui dirige le "pôle Europe" dans l'équipe de campagne du candidat au côté de l'ancien ministre des Affaires européennes Bruno Le Maire.

"François Fillon va à Berlin dans des dispositions à la fois d'écoute, d'échange, mais il y va aussi pour exposer les réformes qu'il veut mettre en oeuvre s'il est élu. Et il dira qu'il faut absolument être plus fermes sur l'immigration et la sécurité", dit-il.

Le candidat s'entretiendra avec la chancelière à la mi-journée avant de rencontrer le ministre des Finances Wolfgang Schäuble et la ministre de la Défense Ursula von der Leyen. Il prononcera ensuite un discours à la fondation Konrad Adenauer.

"DES RELATIONS D'ÉGAL À ÉGAL"

"On n'y va pas en victime expiatoire. On voit bien que l'Allemagne a pris le leadership économique, au Parlement, etc., on ne peut pas rester dans cette situation-là si on veut que l'Europe avance", explique-t-on dans l'entourage du candidat.

"Fillon veut des relations d'égal à égal avec l'Allemagne, mais pour ça évidemment, on a du chemin à faire", ajoute-t-on.

C'est sur l'Europe que les dissonances du candidat conservateur sont le plus attendues à Berlin.

"Nous n'allons pas en Allemagne pour leur dire que nous sommes d'accord avec eux sur tout", a prévenu Bruno Le Maire.

La vision d'une Europe à plusieurs vitesses ou à géométrie variable qu'aime à cultiver la diplomatie française a toujours suscité la méfiance des Allemands et les propositions de François Fillon ne devraient pas déroger à la règle.

Parmi elles : recentrage sur les 19 pays de la zone euro, alors qu'Angela Merkel milite pour un sursaut "à 27", renforcement de la gestion intergouvernementale, réduction des prérogatives de la Commission, socialisation des dettes dans un Trésor européen, réforme de la BCE, dont le candidat pense qu'elle devrait se préoccuper plus de croissance et d'emploi.

"ÇA PEUT COINCER"

Plus proche des vues allemandes, le candidat français propose d'approfondir la gouvernance intergouvernementale de la zone euro avec l'instauration d'un "directoire politique" composé des chefs de gouvernement, appuyé par un "secrétariat général de la zone euro autonome de la Commission" pour assurer le suivi et la gestion de la zone.

"Je pense que c'est audible par les Allemands. Il y a certains points sur lesquels ça peut 'coincer', mais globalement je pense que Merkel et Fillon sont fondamentalement proches l'un de l'autre sur le plan idéologique", estime Alain Cadec.

Sur la BCE, dont l'Allemagne refuse qu'elle ait un autre mandat que la stabilité des prix, l'élu reconnaît "une petite divergence sur laquelle travailler." "Tout n'est pas figé. L'idée est de mettre sur la table un certain nombre de principes, de voir comment on peut les appliquer ensemble."

Comme sur la santé, l'environnement ou l'organisation territoriale, le programme du candidat est en cours de réécriture. Ainsi de l'incipit, trop "séguiniste" - "Une France souveraine dans une Europe respectueuse des nations" - devenu "Une France forte dans une Europe au service des nations".

L'état-major va également préciser la proposition de "resserrage" de la zone euro, reçue avec inquiétude par les Etats non membres. "Est-ce que tous les pays qui font partie aujourd'hui de la zone euro sont capables d'être à bord? Il faut se poser la question", souligne Patrick Stefanini, le directeur de campagne de François Fillon.

"Il ne s'agit pas d'abandonner les autres en rase campagne mais de mettre tout en oeuvre pour, à travers une harmonisation sociale et fiscale notamment, leur permettre de rattraper leur retard et intégrer la zone euro", précise Alain Cadec.

Si Bruno Le Maire "a déblayé le terrain" avec l'Allemagne en rencontrant Wolfgang Schäuble et Peter Altmaier, chef de la Chancellerie, Alain Cadec est chargé de rencontrer les ministres des Affaires étrangères de Roumanie, Bulgarie, Hongrie, etc., pour les rassurer sur les intentions de François Fillon.

"L'étiquette souverainiste (François Fillon a noté "non" au traité de Maastricht en 1992-NDLR) lui colle encore un peu dans le microcosme, mais les citoyens ont compris qu'il avait tourné la page et qu'il voulait une Europe dynamique", veut croire Alain Cadec.

(Edité par Yves Clarisse)