"L'heure de l'action a sonné", lance Trump après son investiture

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Donald trump s'apprete a preter serment[reuters.com]
(Crédits : Jonathan Ernst)

par Steve Holland

WASHINGTON (Reuters) - Donald Trump est devenu vendredi le 45e président des Etats-Unis restant fidèle à son mot d'ordre "America First" en s'engageant à mettre fin à ce qu'il a qualifié dans un discours populiste et nationaliste de "carnage de l'Amérique".

Brossant le sombre tableau d'un pays ravagé par la désindustrialisation, la criminalité et la drogue, il a indirectement mis en cause ses prédécesseurs, dont les politiques ont, selon lui, été menées au profit de Washington et aux dépens des plus modestes.

"Nous allons transférer les pouvoirs de Washington pour vous les rendre (...) A partir d'aujourd'hui, une nouvelle vision va diriger notre pays. A partir de ce jour, ce sera uniquement l'Amérique d'abord !", a-t-il lancé.

Tandis qu'il prononçait son discours, un demi-millier de manifestants vêtus de noir affrontaient les forces de l'ordre à plusieurs centaines de mètre de là. Des vitrines ont été brisées et des voitures endommagées. D'autres incidents ont émaillé le reste de la journée, illustrant les divisions profondes de l'Amérique. En fin d'après-midi, la police de Washington faisait état d'au moins 95 interpellations.

Plusieurs centaines de milliers de personnes étaient venues assister à l'investiture de Donald Trump, sur les pelouses du National Mall, qui sépare le Capitole du Washington Monument. Aucune estimation de l'affluence populaire n'a été diffusée pour l'heure par les autorités, mais les photographies aériennes prises à huit années d'intervalle montrent qu'il y avait nettement plus de monde lors de première investiture de Barack Obama, le 20 janvier 2009.

"ACHETER AMÉRICAIN ET EMBAUCHER AMÉRICAIN"

Après avoir prêté serment sur la Bible, le nouveau président a repris le thème dominant de la campagne ayant conduit à sa victoire inattendue le 8 novembre dernier face à Hillary Clinton, qui a assisté à la cérémonie avec son époux Bill, président de 1993 à 2001.

Trump a affirmé que les Etats-Unis avaient enrichi des industries étrangères aux dépens des entreprises américains, subventionné des armées étrangères en laissant les forces américaines s'épuiser et dépensé des milliers de milliards de dollars à l'étranger tandis que s'effondraient les infrastructures américaines.

"Une par une, nos usines ont fermé et quitté nos rivages, avec pas même une pensée pour les millions et les millions de travailleurs américains laissés pour compte. La richesse de nos classes moyennes a été dépouillée de leurs maisons et redistribuée dans le monde entier.

"Mais c'est le passé", a-t-il dit avant de promettre que "ce carnage américain cesse, ici et maintenant".

"Nous suivrons deux règles simples: acheter américain et embaucher américain", a-t-il dit.

"Toutes les décisions sur le commerce, les impôts, l'immigration, les affaires étrangères seront prises pour le bien des travailleurs américains et des familles américaines (...) L'heure de l'action a sonné", a-t-il promis.

En se mettant au service de leur pays, a promis Donald Trump, les Américains vont redécouvrir leur loyauté les uns envers les autres et ressentir "une nouvelle fierté nationale" qui permettra de combler les divisions de la campagne.

Au chapitre diplomatique, le nouveau locataire de la Maison blanche s'est engagé "à renforcer les vieilles alliances, à en forger de nouvelles et à unir le monde civilisé contre le terrorisme islamiste, qui sera complètement éradiqué de la surface de la Terre".

DÉFICIT DE POPULARITÉ

Âgé de 70 ans, Donald Trump entre à la Maison blanche avec un déficit de popularité considérable et une image ternie par les polémiques qu'il entretient notamment sur les réseaux sociaux, ce qui a conduit le sénateur républicain John McCain à estimer qu'il donnait l'impression de vouloir "affronter tous les moulins qu'il croise".

Selon un sondage ABC News/Washington Post publié cette semaine, seuls 40% des Américains ont une opinion favorable du futur président, une cote de défiance sans précédent à ce stade depuis Jimmy Carter, en 1977.

Son arrivée à la Maison blanche, saluée par un Parti républicain tenu à l'écart de la présidence depuis huit ans, soulève en outre une foule de questions.

Elu notamment sur la promesse de renouer avec l'isolationnisme et le protectionnisme, Donald Trump s'est engagé à porter les droits de douanes à 35% pour les produits fabriqués à l'étranger par des entreprises américaines.

Son souhait de renouer avec Vladimir Poutine et sa menace de réduire le financement de l'Otan préoccupent de nombreux pays européens, qui redoutent de ne plus être protégés par le "parapluie" américain.

"Ce que nous avons entendu aujourd'hui avait une tonalité très nationaliste. Je pense que nous devons nous préparer une rude chevauchée", a commenté le vice-chancelier allemand Sigmar Gabriel.

Le président mexicain, Enrique Pena Nieto, l'a félicité mais a aussi prévenu que "la souveraineté, les intérêts nationaux et la protection des Mexicains guideront nos relations avec le nouveau gouvernement des Etats-Unis" alors que l'équipe Trump a réaffirmé vendredi le projet de construction d'un "mur" à la frontière entre les deux pays.

Au Moyen-Orient, l'image du successeur de Barack Obama est déjà ternie par sa volonté de déménager l'ambassade américaine à Jérusalem, une décision qui serait vécue comme une provocation par la population arabe. Il lui faudra également préciser sa stratégie de lutte contre Etat islamique.

Sur les marchés financiers, la Bourse de New York a fini dans le vert vendredi mais sous ses plus hauts du début de journée tandis que le dollar reculait face à l'euro. Pour certains investisseurs, le discours Trump a ravivé la crainte d'une politique protectionniste mauvaise pour les affaires.

BOYCOTT DÉMOCRATE

Contrairement à l'usage, la cérémonie d'investiture de Donald Trump a reflété les fractures de la société américaine, exacerbées par une campagne houleuse et parfois outrancière que la période de transition n'a pas permis de réduire. Plus de 60 parlementaires démocrates avaient décidé de ne pas y assister après les propos qu'il a tenu au sujet de John Lewis, figure de la lutte pour les droits civique.

La liste des mesures que Donald Trump s'est engagé à prendre laisse les républicains espérer que la loi sur l'assurance-maladie qu'ils ont farouchement combattue sera rapidement abrogée, qu'il lancera une vaste réforme fiscale et assouplira les dispositifs de régulation accusés de gripper la mécanique économique.

"Il va provoquer un choc dans le système presque immédiatement", a pronostiqué sa proche conseillère Kellyanne Conway invitée sur Fox News.

Encore sonnés par une défaite qu'ils n'attendaient pas, les démocrates, en minorité tant à la Chambre des représentants qu'au Sénat, ont prévu de ne manquer aucune occasion de combattre la présidence Trump.

Ils n'oublieront pas non plus de saisir chaque occasion pour rappeler que, s'il a gagné la bataille des grands électeurs au Collège électoral, Clinton a largement remporté le vote populaire avec près de 2,9 millions de voix d'avance.

(avec Richard Cowan, Ian Simpson et David Alexander; Nicolas Delame et Jean-Philippe Lefief pour le service français, édité par Tangi Salaün)