par Tom Perry et Laila Bassam
BEYROUTH (Reuters) - Mis à mal en Irak, où ils viennent de céder la moitié orientale de Mossoul, les djihadistes de l'Etat islamique (EI) s'efforcent de consolider leurs positions en Syrie.
Ils cherchent en particulier à s'emparer de Daïr az Zour, dans l'Est, sans négliger les trois autres fronts sur lesquels ils sont engagés. La ville, toujours à moitié aux mains des forces gouvernementales, est l'un des derniers secteurs à leur échapper dans la province à laquelle elle donne son nom.
"Ils veulent la prendre à tout prix et maintenant. La situation à Daïr az Zour est très difficile", dit un cadre non syrien des troupes fidèles à Bachar al Assad, évoquant le sort des dizaines de milliers de civils assiégés.
L'EI semble déterminé à conserver le triangle que Daïr az Zour forme avec Rakka, capitale de son califat, et la cité antique de Palmyre, que ses hommes ont reprise en décembre après en avoir été chassés en mars.
Le mouvement, que Donald Trump a promis d'éradiquer, offre en outre une farouche résistance aux miliciens kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) soutenus par Washington et aux rebelles proturcs engagés dans l'opération "Bouclier de l'Euphrate", dans le Nord. Sur la défensive à Mossoul, ils restent toutefois maîtres de la rive ouest, quatre mois après le début de la reconquête.
"Ils sont encore capables de se battre sur quatre fronts, ce qui serait impossible s'ils étaient dans un état de grande faiblesse", note Rami Abdoulrahman, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme.
UNE TUMEUR CANCÉREUSE
"La force de Daech, c'est qu'il s'agit d'une tumeur cancéreuse. Quand on en vient à bout quelque part, on la retrouve ailleurs", renchérit un commandant des forces progouvernementales syriennes, aux seins desquelles le Hezbollah libanais joue un rôle de premier ordre.
L'officier, qui n'est pas Syrien non plus, réclame l'engagement de tous les moyens aériens à Daïr az Zour, laissant entendre que l'appui de l'aviation russe est insuffisant.
La coalition sous commandement américain a certes bombardé les positions de l'EI dans la province, mais la pression militaire y est moins intense qu'ailleurs dans son "califat" autoproclamé.
Daïr az Zour n'est pas la priorité de l'armée syrienne et de ses alliés, qui s'inquiètent davantage des rebelles de l'ouest du pays, et les kurdes syriens se sont focalisés sur Rakka.
L'investiture de Donald Trump, ce vendredi, pourrait toutefois changer la donne. Le nouveau président des Etats-Unis a laissé entendre qu'il pourrait coopérer avec la Russie pour venir à bout des djihadistes.
Dans ce cas, Daïr az Zour deviendrait un objectif évident. Il s'agirait aussi d'un revirement de taille de la part de Washington, puisqu'une telle offensive ferait les affaires d'Assad, or Barack Obama refusait toute coopération avec le président syrien, y compris pour combattre l'EI.
Pour le moment, la coalition internationale ne fait rien pour empêcher les djihadistes de se rassembler en Syrie, déplore un membre du régime de Damas.
"Après la perte de Mossoul, Daech va chercher à renforcer ses capacités à Rakka et à Daïr az Zour parce qu'ils n'auront plus nulle part ailleurs où aller. La bataille finale aura certainement lieu là", ajoute-t-il.
(Jean-Philippe Lefief pour le service français, édité par Tangi Salaün)