Le Parti socialiste rejeté à gauche par Macron

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Le ps rejete a gauche par macron[reuters.com]
(Crédits : © Philippe Wojazer / Reuters)

par Jean-Baptiste Vey et Elizabeth Pineau

PARIS (Reuters) - En refusant de participer à la primaire organisée par le Parti socialiste, Emmanuel Macron a contribué à briser la synthèse voulue par François Hollande entre les ailes gauche et social-démocrate du parti, désormais poussé à se refonder à gauche sous la houlette de Benoît Hamon, au risque d'une marginalisation.

La possible victoire dimanche prochain de l'ex-ministre de l'Education (36% au premier tour) soutenu par Arnaud Montebourg (17,5%) face à l'autre finaliste Manuel Valls (31%) dépendra du niveau mobilisation, relativement faible le 22 janvier.

Mais l'ancien Premier ministre, pratiquement seul à défendre le bilan du gouvernement, a semblé vouloir dès dimanche soir sceller la rupture entre ce qu'il a présenté comme une gauche de gouvernement "crédible" face à une aile gauche accusée de tromper les Français et de préférer l'opposition.

"Un choix très clair se présente désormais à nous et à vous mes chers compatriotes, le choix entre la défaite assurée et la victoire possible", a lancé l'ex-chef du gouvernement. "Le choix entre des promesses irréalisables et infinançables et une gauche crédible qui assume les responsabilités du pays."

Depuis l'annonce des résultats, les attaques des soutiens de Manuel Valls pleuvent sur Benoît Hamon, dont l'idée de revenu universel est décrite comme une folie qui reviendrait à écraser les Français sous de nouveaux impôts.

Le rassemblement entre l'aile social-démocrate du PS, condamnée à se ranger derrière Manuel Valls par la renonciation de François Hollande et le refus d'Emmanuel Macron de participer à la primaire, et les partisans de Benoît Hamon et Arnaud Montebourg, qui fustigent la politique "libérale" menée selon eux pendant le quinquennat, semble impossible.

"Avec Benoît Hamon, nous avons combattu ensemble dans le gouvernement les politiques social-libérales aujourd'hui désavouées par les électeurs de la primaire", a ainsi déclaré l'ancien ministre du Redressement productif pour justifier son soutien sans réserve à Benoît Hamon.

MACRON VAINQUEUR DE LA PRIMAIRE ?

"Le premier tour de l'élection primaire du Parti socialiste français a fait un vainqueur et un perdant", résume Bruno Cavalier, chef économiste d'Oddo Securities. "Le vainqueur est Emmanuel Macron (qui) peut espérer profiter de la division des socialistes et surtout de leur basculement sur l'aile la plus à gauche. Le perdant est François Hollande, dont le mandat comme président aura été un désastre politique pour son parti."

Selon François Miquet-Marty, de l'institut Viavoice, la refondation du PS, qui détenait en 2012 tous les leviers du pouvoir - régional, parlementaire et exécutif - et qui pourrait achever de les perdre en 2017 -, est, de fait, "déjà engagée".

"Cette primaire est déjà le premier acte de la refondation du PS avec des idées nouvelles de Benoît Hamon, des ambitions de se positionner par rapport à un monde qui change, aux mutations économiques, écologiques, sociétales", a-t-il dit à Reuters. "Il y a une bataille culturelle derrière tout cela."

Manuel Valls s'est ainsi déclaré lundi sur RTL "frappé" par le fait que Benoît Hamon se réfère à Jeremy Corbyn, leader du Parti travailliste britannique, "qui a fait le choix de rester dans l'opposition", ou à Podemos, en Espagne, "qui a fait le choix de la fracture au sein de la gauche".

"Moi je crois que la gauche peut toujours gouverner, qu'elle peut rassembler", a dit l'ancien Premier ministre, selon qui l'élection se jouera sur la question de savoir de "quelle gauche" la France a besoin.

Et de répondre : "Pas dans l'opposition, pas pour proclamer mais pour assumer des responsabilités".

Mais selon un membre du gouvernement, "si Hamon gagne le second tour, il y a un risque de disparition du PS", avec une possible hémorragie en direction d'Emmanuel Macron, un avis partagé par de nombreux analystes.

"Comment 200 parlementaires qui ont soutenu François Hollande et Manuel Valls pourraient aller vers des gens qui voulaient une motion de censure contre le gouvernement ?" notamment lors de l'examen de la loi Travail, s'interroge-t-il.

LA FIN D'UN CYCLE

Imaginer un ralliement à l'ancien Premier ministre des anciens "frondeurs" et contempteurs de la politique de Manuel Valls est tout aussi difficile, tant les débats avant le premier tour ont souligné les divisions de fond : sur l'économie mais aussi les valeurs, notamment à propos de la crise des migrants.

L'hypothèse d'un ralliement massif d'élus et surtout de l'électorat socialiste à Emmanuel Macron, dont l'ascension dans les enquêtes d'opinion perdure, en cas de victoire de la gauche du PS à la primaire, a hanté la campagne avant la premier tour.

Mais à l'extrême gauche, Jean-Luc Mélenchon est lui aussi bien placé pour devancer le candidat du PS à la présidentielle.

Pour Philippe Gudin et François Cabau, de Barclays, Benoît Hamon est en tout cas bien placé pour remporter la primaire.

Mais alors, une partie des sympathisants du centre gauche ne voteront pas pour lui au premier tour de la présidentielle, en avril, estiment-ils dans une note. Selon eux, "un tel scénario devrait (...) favoriser M. Macron" et augmenter les chances de ce dernier de se qualifier pour le second tour.

Le porte-parole d'Emmanuel Macron, Benjamin Griveaux, ne voit pas non plus comment les socialistes "recolleront les morceaux, sauf de manière un peu factice, dimanche soir prochain" et n'exclut pas un éclatement du PS.

"Que le cycle ouvert à Epinay pour le PS connaisse un tournant, c'est assez net", ajoute-t-il, en se référant au congrès d'Epinay qui a consacré en 1971 l'union des socialistes sous la direction de François Mitterrand.

(avec Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)