Négociations à Genève sur la Syrie, où les combats continuent

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Combats en syrie alors que s'engagent des negociations a geneve[reuters.com]
(Crédits : Khalil Ashawi)

par Tom Miles et Laila Bassam

GENEVE/BEYROUTH (Reuters) - Représentants du gouvernement de Damas et de l'opposition syrienne se sont assis jeudi à la même table, pour la première fois en trois ans, au premier jour du nouveau cycle des négociations organisées à Genève sous l'égide des Nations unies.

Accueillis par l'émissaire de l'Onu pour la Syrie, Staffan de Mistura, les délégations ont été priées par ce dernier de travailler de concert, même s'il a reconnu que la partie s'annonçait difficile. Il déclarait d'ailleurs mercredi ne pas nourrir d'"attente démesurée".

"Je sais qu'il ne sera pas aisé de mettre fin à cet horrible conflit ni de poser les fondations d'un pays en paix avec lui-même, souverain et uni", a-t-il déclaré aux représentants.

Les deux camps portent la responsabilité de la mort d'au moins 300.000 personnes et l'exode de millions d'autres, a-t-il ajouté.

"Tout le peuple syrien souhaite la fin de ce conflit, et vous le savez. Vous êtes les premiers à le dire. Ils attendent que cessent leurs souffrances et rêvent d'une nouvelle issue pour sortir de ce cauchemar et d'un avenir normal dans la dignité."

Après sa déclaration, Staffan de Mistura a échangé des poignées de main avec les deux délégations qui ont ensuite quitté la salle pour mener d'autres discussions. Il a par la suite déclaré qu'il organiserait vendredi des réunions bilatérales afin de mettre au point la procédure de négociation.

Ces nouvelles discussions, rouvertes après un hiatus de dix mois, interviennent dans un contexte bien différent de celles d'avril dernier quand le régime de Damas était acculé par la progression de l'opposition armée.

"L'IRAN, PRINCIPAL OBSTACLE À UN ACCORD"

Soutenues par la Russie et l'Iran, les forces gouvernementales sont désormais en bien meilleure posture, permettant au gouvernement syrien d'établir un rapport de forces plus à son avantage.

Le contexte politique a lui aussi changé avec l'arrivée de Donald Trump à la Maison blanche et la reprise en main du dossier par le trio Russie-Iran-Turquie, avec deux conférences de paix qui ont eu lieu à Astana, au Kazakhstan.

Après s'être entretenu avec le principal négociateur du gouvernement syrien, le représentant de la Russie, Alexeï Borodavkine, a qualifié d'"absurde" la volonté des rebelles et des Occidentaux d'écarter Bachar al Assad du pouvoir.

"La délégation du gouvernement syrien est arrivée à Genève avec des instructions constructives pour faire avancer ces discussions", a-t-il dit.

"Le programme de ces discussions n'est pas encore prêt, si j'ai bien compris", a-t-il ajouté, disant espérer un accord sur la formation d'un gouvernement d'unité nationale, l'élaboration d'une constitution et l'organisation d'élections comme le prévoit la résolution 2254 des Nations unies.

Le négociateur en chef de l'opposition Nasser al Hariri a déclaré que les pourparlers devaient avant tout se focaliser sur la transition politique. Il a dit craindre que l'Iran ne joue un rôle en coulisses. "L'Iran est le principal obstacle à tout type d'accord politique", a-t-il déclaré.

CESSEZ-LE-FEU FRAGILE

Sur le terrain, l'armée de l'air gouvernementale a mené jeudi des raids contre des secteurs tenus par les insurgés dans les provinces de Deraa, Alep et Hama et les rebelles ont tiré des roquettes en direction de positions gouvernementales, rapporte l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Dans la province d'Alep, 24 rebelles ont été tués, affirme l'OSDH.

Un cessez-le-feu est certes en place depuis le 30 décembre entre le régime syrien et les forces rebelles mais il reste fragile, les deux camps s'accusant de violations répétées.

Et cette trêve, entrée en vigueur sous l'impulsion de la Russie et de la Turquie après la bataille d'Alep, ne concerne par les groupes djihadistes comme l'Etat islamique (EI).

Dans la province de Deraa (sud), où les affrontements se sont intensifiés durant la semaine écoulée, des islamistes ont fait exploser une voiture piégée et des hélicoptères des forces du régime ont largué des barils remplis de TNT, rapporte l'OSDH, qui s'appuie sur un réseau d'informateurs au sol.

A Alep, les forces gouvernementales ont bombardé des secteurs de la périphérie ouest et des avions de l'armée de l'air sont entrés en action au-dessus d'une zone où l'armée de Bachar al Assad et ses alliés avaient progressé la veille.

Par ailleurs, des bombardements de l'aviation russe et syrienne ont frappé dans l'Est la ville de Daïr az Zour, que contrôle l'EI, rapporte un organe de presse du Hezbollah.

Ailleurs en Syrie, l'armée turque a annoncé que 56 combattants de l'EI avaient été tués par les rebelles pro-turcs dans le secteur de la ville d'Al Bab (nord) jeudi ainsi que lors de raids aériens, mercredi.

Le centre de ce bastion de l'EI situé à 30 km de la frontière turque, a été repris par des rebelles pro-turcs à l'EI dans la journée de jeudi, a annoncé l'agence de presse turque Anatolie.

(Tom Miles à Genève et John Davison à Beyrouth, avec Tulay Karadeniz à Ankara; Eric Faye, Henri-Pierre André, Gilles Trequesser et Nicolas Delame pour le service français)