L'Irlande pénalise les clients des prostituées

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L'irlande penalise les clients des prostituees[reuters.com]
(Crédits : © Leonhard Foeger / Reuters)

par Emma Batha

LONDRES (Fondation Thomson Reuters) - Les clients des travailleuses du sexe s'exposent en Irlande au paiement d'une amende, voire à une peine de prison, depuis l'entrée en vigueur mercredi d'un dispositif visant à éradiquer la traite des être humains et à protéger les femmes.

L'Irlande rejoint ainsi le Canada, la Suède, la Norvège, la France ou encore l'Irlande du Nord où la législation vise la clientèle plutôt que les prostituées.

Cette nouvelle loi est pourtant combattue par certaines travailleuses du sexe qui redoutent que la prostitution soit reléguée dans la clandestinité et fragilise les femmes contraintes de travailler dans des endroits de plus en plus isolés.

Entrée en vigueur mercredi, la nouvelle loi prévoit que quiconque recourra aux services d'une travailleuse du sexe sera passible d'une amende de 500 euros qui pourra être doublée en cas de récidive. Une peine de prison est en outre prévue lorsque la prostituée est victime de la traite des êtres humains.

"Pour la première fois de notre histoire, la loi va faire peser la responsabilité sur les exploiteurs et non sur les exploités", se félicite Rachel Morgan, qui a milité en faveur de la nouvelle loi.

"Elle éduquera les prochaines générations sur le fait qu'il est illégal de payer pour s'introduire dans le corps de quelqu'un d'autre et associera la prostitution à l'acte de violence qu'elle est réellement", explique Rachel Morgan, qui s'est prostituée pendant sept ans dès ses quinze ans.

DES CENTAINES DE FEMMES EXPLOITÉES

Les adversaires de la loi jugent de leur côté qu'elle empêchera les travailleurs du sexe de jauger un client ou de négocier avec lui avant de monter dans son véhicule.

Selon Laura Lee, prostituée et diplômée de droit, les agressions vont se multiplier contre les travailleurs du sexe. Elle avance en outre que la question du trafic d'êtres humains a été exagérée en Irlande.

"Cela n'a rien à voir avec le trafic, c'est un écran de fumée", estime-t-elle. "C'est une abolition camouflée et une tentative de mettre un terme définitif à la prostitution. Nous devrions nous pencher sur les femmes les plus vulnérables dans la société et non pas rendre leur vie dix fois plus difficile."

Selon le gouvernement, qui a consulté des représentants des partisans et des adversaires du projet, les recherches montrent qu'en Suède et en Norvège, les travailleuses du sexe n'ont pas été exposées à davantage de risques après l'application de législations similaires.

Ruhama, une organisation qui soutient les femmes touchées par la prostitution et cofondatrice de la campagne "Turn Off The Red Light" qui vise à mettre fin à la prostitution et à l'exploitation sexuelle, estime à plusieurs centaines le nombre de femmes de femmes exploitées dans le pays.

Un quart des femmes auxquelles Ruhama vient en aide sont originaires de pays tels que le Nigeria, le Brésil, la Colombie, la Roumanie and la Bulgarie.

"Nous voyons des femmes qui ont été totalement dupées. On leur a dit qu'elles auraient un emploi de nourrice, qu'elles apprendraient l'anglais. Mais elles sont directement placées dans une maison de passe", déplore Sarah Benson, présidente de Ruhama.

"Certaines sont cassées. Elle sont susceptibles d'être violées par ceux qui ont organisé leur trajet ou les ont reçues dans ce pays."

Certaines femmes sont en outre prises au piège des dettes qu'elles ont contractées pour se procurer des passeports, des billets d'avion et payer leur loyer.

Si la loi ne mettra pas fin à la prostitution, elle permettra à l'Irlande d'être moins intéressante pour les trafiquants, prédit Sarah Benson.

(Nicolas Delame pour le service français; La Thomson Reuters Foundation est la fondation caritative de Thomson Reuters qui se consacre à la couverture des sujets humanitaires et liés aux droits des femmes, à la lutte contre la corruption et au changement climatique)