Macron maintient le cap de la politique de l'offre

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(Crédits : Christian Hartmann)

par Emmanuel Jarry

PARIS (Reuters) - Emmanuel Macron est entré vendredi dans le vif de la campagne présidentielle en présentant un programme économique qui s'inscrit plus dans la continuité de la politique de François Hollande que dans la rupture, tout en l'accélérant.

L'hypothèque François Bayrou enfin levée, après l'alliance scellée jeudi avec le dirigeant centriste, le candidat d'"En Marche !" peut désormais se concentrer sur ce qui le différencie de ses principaux adversaires, qui ne peuvent plus l'accuser de ne pas avoir de programme.

Il s'efforce de concilier la vertu budgétaire, garante de la crédibilité de la France en Europe, et mesures de soutien à l'emploi et la croissance, tout en affichant des objectifs moins spectaculaires que les autres candidats.

La réduction de trois points de la part des dépenses publiques dans le PIB, qu'il vise en 2022, soit un effort de 60 milliards d'euros, est loin des 100 milliards d'économie promis par le candidat de la droite, François Fillon.

Quant aux 50 milliards d'investissement public promis sur le quinquennat pour moderniser l'économie et l'Etat ou former les Français éloignés de l'emploi, ils n'ont rien à voir avec les dépenses envisagées, à gauche, par le socialiste Benoît Hamon pour financer son revenu universel, ou par Jean-Luc Mélenchon.

Il affiche la même prudence en matière de prévisions macro-économiques et fonde son projet sur des hypothèses de croissance oscillant entre 1,4% en 2018 et 1,8% en 2022.

Comme François Hollande, dont il a été conseiller, puis ministre, il s'efforce également de concilier compétitivité des entreprises et pouvoir d'achat des ménages, par un mélange de baisses de charges et de réductions d'impôt.

VERS UNE RÉFORME STRUCTURELLE DES RETRAITES

Il prolonge ainsi la logique du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), qu'il promet de transformer en baisse de charges pérenne, mais aussi de la loi travail, en renforçant le rôle du dialogue social dans les entreprise et les branches ou en plafonnant les indemnités prud'homales pour licenciement abusif.

Mais s'il refuse de promettre du sang et des larmes (pas de hausse de TVA, ni d'économies sur les retraites ou la politique familiale, ni de modification des paramètres d'indemnisation du chômage), il s'abstient également d'annoncer des lendemains qui chantent dès les premiers mois de son quinquennat.

Il précise ainsi qu'il n'y aura "ni cadeau ni rigueur supplémentaire" cet été, s'il est élu, la mise en oeuvre du plan d'investissement public et de l'exonération de taxe d'habitation étant renvoyée à 2018 pour ne pas aggraver le déficit public.

En matière de retraites, il a annoncé qu'il détaillerait une proposition de réforme "structurelle" le 2 mars, lors de la présentation de la totalité de son programme.

"Elle ne sera pas guidée par une logique budgétaire mais par une logique d'équité", a-t-il précisé.

Selon son entourage, il proposera un changement radical de régime, vers un système de "retraite à points à la française".

Plusieurs économistes français en vue, dont Jean Pisani-Ferry, ancien patron de France stratégie, cercle de réflexion placé auprès du gouvernement, ont participé à la confection de ce projet, auquel ils apportent leur caution.

"SÉRIEUX"

Pour le porte-parole d'Emmanuel Macron, Benjamin Griveaux, le "maître mot" de ce programme est "sérieux".

"Le sérieux, ce n'est ni la purge ni les cadeaux (...) Ce n'est pas non plus le côté illusionniste du projet porté, par exemple, par Benoît Hamon", a-t-il dit à la presse.

Une analyse que n'est pas loin de partager l'économiste Emmanuel Jessua, directeur des études de l'institut COE-Rexecode pourtant réputé proche du patronat et libéral.

"Dans l'ensemble, ses propositions consistent à approfondir et accélérer la politique de l'offre qui a été amorcée sous le quinquennat actuel", a-t-il déclaré à Reuters.

"Même s'il y a beaucoup de zones d'ombres à lever, il propose des réformes qui répondent à certains grands défis de l'économie française, tout en évitant un ajustement trop brutal sur la dépense publique", a-t-il ajouté.

Dans l'entourage de l'ancien ministre de l'Economie, on admet une "proximité d'inspiration" entre certains pans de son projet et les positions défendues par le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger. "C'est un interlocuteur de Jean Pisani-Ferry et d'Emmanuel Macron", précise-t-on de même source.

Des réformes proposées par le candidat d'"En Marche !", comme la prise en charge par l'Etat de la gestion de l'assurance chômage, risquent cependant de créer des tensions avec des partenaires sociaux, attachés au paritarisme et engagés dans la négociation d'une nouvelle convention Unedic.

Les adversaires d'Emmanuel Macron et leurs entourages ont pour leur part concentré vendredi leurs attaques sur le candidat d'"En Marche !", que les sondages placent de nouveau au deuxième rang dans les intentions de vote, derrière la présidente du Front national Marine Le Pen.

(Avec Sophie Louet et Michel Rose, édité par Yves Clarisse)