La campagne électorale creuse les divisions en Irlande du Nord

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La campagne electorale creuse les divisions en irlande du nord[reuters.com]
(Crédits : © Clodagh Kilcoyne / Reuters)

par Ian Graham

BELFAST (Reuters) - La campagne en vue des élections législatives anticipées de jeudi en Irlande du Nord a accentué les divisions entre unionistes pro-britanniques et nationalistes du Sinn Fein, favorables à la réunification avec l'Irlande, sur fond de divorce entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.

Les deux camps se partageaient le pouvoir jusqu'en janvier, lorsque le nationaliste Martin McGuinness a annoncé sa démission du poste de vice-Premier ministre, entraînant automatiquement celle de la Première ministre Arlene Foster, la dirigeante du Parti unioniste, à laquelle il reprochait de refuser de quitter ses fonctions alors qu'elle est sous le coup d'une enquête judiciaire.

L'initiative de l'ancien commandant de l'Armée républicaine irlandaise (Ira) a réveillé les inquiétudes des unionistes au moment où la perspective du Brexit alimente les aspirations des nationalistes à une réunification irlandaise. Et ce d'autant que les Nord-Irlandais ont voté majoritairement contre une sortie de l'Union européenne en juin dernier.

Les élections anticipées que le ministre britannique chargé de l'Irlande du Nord, James Brokenshire, a été contraint de convoquer "pourraient être les plus dangereuses pour l'unionisme depuis la création de l'Irlande du Nord", a estimé Arlene Foster dans une tribune publiée lundi dans le Belfast Telegraph.

Si les nationalistes les remportent, prévient la Première ministre sortante, ils pousseront de nouveau en faveur d'une réunification de l'Irlande.

"Gerry Adams et le Sinn Fein mettront à profit une victoire électorale pour conforter leur position selon laquelle la frontière entre le Royaume-Uni et l'Union européenne devrait être la mer d'Irlande", a-t-elle insisté.

CONTRÔLE DIRECT DE LONDRES?

Bien que Londres et Dublin se soient engagées à ne pas jeter d'huile sur le feu, unionistes et nationalistes ont attisé les peurs de leurs communautés respectives pendant la campagne, même si personne n'imagine une reprise de la guerre civile qui a fait 3.600 morts pendant les trois décennies qui ont précédé l'accord de paix de 1998.

Le Sinn Fein a accusé le Parti unioniste démocrate (DUP) de faire preuve d'"arrogance" et de "mépris" envers les catholiques et a posé, pour partager à nouveau le pouvoir, des conditions que les unionistes ont d'ores et déjà dit qu'ils n'accepteraient pas, dont l'adoption d'une loi reconnaissant les droits des habitants parlant le gaélique.

Arlene Foster, dont le père avait réchappé de justesse à un attentat de l'Ira, a exclu de donner gain de cause au Sinn Fein en expliquant que "quand on nourrit un crocodile, il revient en demander davantage". Il serait plus utile de traduire les documents officiels en polonais, a-t-elle ajouté.

Pour Brian Feeney, un historien et commentateur politique de Belfast, la situation devrait rester figée après les élections, le Sinn Fein étant peu susceptible de participer de nouveau au gouvernement à court terme.

Si tel était le cas, l'Irlande du Nord repasserait pour la première fois depuis une décennie sous le contrôle direct de Londres ("Direct Rule"), une situation qui fait horreur aux nationalistes mais qu'ils pourraient, selon certains experts, mettre cette fois à profit pour discuter directement avec les autorités de Dublin, tandis que les unionistes n'auraient pas leur mot à dire lors des négociations sur le Brexit.

(Tangi Salaün pour le service français)