Le Pen se met à dos syndicats de policiers et de magistrats

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Les magistrats appellent les candidats a la presidentielle a la retenue[reuters.com]
(Crédits : © Regis Duvignau / Reuters)

PARIS (Reuters) - Les déclarations de Marine Le Pen sur les juges et les fonctionnaires, appelés à ne pas appliquer des consignes du gouvernement, suscitent l'ire des syndicats de magistrats et de policiers, un corps courtisé par le Front national.

La candidate à la présidentielle, dont le parti est visé par plusieurs enquêtes judiciaires, a dénoncé dimanche, à Nantes, la tentation d'un "gouvernement des juges" et adressé une mise en garde aux agents de la fonction publique, qui mettent "en jeu leur propre responsabilité" sous le pouvoir actuel.

L'Union syndicale des magistrats (USM) "dénonce les menaces à peine voilées et inédites de représailles à l'encontre des 'fonctionnaires' en charge d'une des affaires concernées", a réagi mardi le syndicat majoritaire au sein de la magistrature, sans toutefois citer la présidente du FN.

L'organisation "déplore que des enquêtes relatives à des infractions susceptibles d'avoir été commises par des responsables politiques donnent lieu, depuis plusieurs semaines, à des attaques d'une rare violence contre l'institution judiciaire", peut-on lire dans le communiqué de l'USM.

La candidate frontiste a refusé mercredi dernier de se rendre à une convocation de la police dans le cadre de l'enquête sur les assistants du FN au Parlement européen et prévenu qu'elle ne répondrait pas aux enquêteurs durant la campagne.

"Dans quelques semaines, ce pouvoir politique (...) aura été balayé par l'élection", a-t-elle déclaré lors de son meeting à Nantes, dimanche. "Mais ces fonctionnaires, eux, devront assumer le poids de ces méthodes illégales (du gouvernement-NDLR), car elles (...) mettent en jeu leur propre responsabilité."

François Fillon, principal candidat de la droite, voit pour sa part sa campagne fragilisée par les soupçons d'emplois fictifs dont auraient bénéficié sa femme et ses enfants - un "coup d'Etat institutionnel" selon lui.

"Au mépris affiché pour la justice viennent de s'ajouter des menaces édifiantes : (...) Marine Le Pen promet, si elle accédait au pouvoir, de demander des comptes aux policiers et aux juges en guise de représailles", s'est insurgé dans un communiqué le Syndicat de la magistrature, classé à gauche.

"PAS UNE JUSTICE À DEUX VITESSES"

Même indignation des syndicats de police, y compris Alliance, classé à droite et majoritaire chez les gardiens de la paix.

"Alliance Police nationale dénonce la gravité de ces propos menaçants prononcés par une candidate à la mandature suprême", a dit dans un communiqué l'organisation, qui insiste sur l'"impartialité" des forces de l'ordre.

"Ce qui nous gêne, c'est de laisser penser qu'on est des petits soldats, qu'on répond aux ordres", déplore Jean-Marc Bailleul, secrétaire général du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure-CFDT, joint par Reuters.

"On ne peut pas faire une justice à deux vitesses. Il n'y a pas des justiciables et des citoyens lambda d'un côté et, de l'autre, des politiques qui pourraient ne pas rendre des comptes, voire être blanchis", ajoute-t-il.

Fidèle au discours traditionnel du parti d'extrême droite, Marine Le Pen s'engage à soutenir les policiers, auxquels elle promet une "adaptation des armements" et la reconnaissance d'une "présomption de légitime défense".

Le FN compte également "revaloriser" le point d'indice des fonctionnaires.

Selon une étude du Cevipof publiée début janvier, une majorité (52%) de policiers se dit prêts à voter pour la présidente du FN au premier tour de la présidentielle, en avril, de même que 44% des militaires et gendarmes.

"Si les policiers prennent conscience qu'ils sont manipulés avec des discours qu'ils veulent entendre, beaucoup de choses peuvent changer avant la présidentielle", juge Denis Jacob, secrétaire général d'Alternative Police-CFDT, qui relativise cependant le poids électoral du FN parmi ses collègues.

Les critiques venant des organisations de magistrats et de policiers font écho à celles de François Hollande et de Bernard Cazeneuve, lequel a parlé lundi d'une "dérive" de la campagne de Marine Le Pen.

"M. Hollande et M. Cazeneuve ont toujours été et ont été pendant l'intégralité de leur mandat les adversaires des fonctionnaires (...) en gelant leur point d'indice, en méprisant les forces de l'ordre", a répondu mardi David Rachline, directeur de campagne de Marine Le Pen, sur France Inter.

(Marine Pennetier et Simon Carraud, édité par Yves Clarisse)