Avis de tempête sur la campagne de Hamon

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Hamon dans une impasse strategique, selon le guen[reuters.com]
(Crédits : © Benoit Tessier / Reuters)

par Elizabeth Pineau et Emile Picy

PARIS (Reuters) - Elu à la primaire sur une ligne "frondeuse" et en panne dans les sondages, Benoît Hamon a tenté de répondre mardi aux doutes de certains socialistes dénonçant l'"impasse stratégique" de sa campagne présidentielle, sur fond de tentation Macron.

Il a reçu mardi soir le soutien conditionnel de Manuel Valls et de ses soutiens qui se sont engagés à "jouer collectif" sous réserve que le candidat socialiste "bouge" sur sa ligne idéologique.

Après l'accord passé avec l'écologiste Yannick Jadot et l'échec des négociations avec Jean-Luc Mélenchon, le candidat PS désormais allié aux Verts stagne en quatrième place dans les intentions de vote, autour de 15%.

A moins de deux mois du premier tour, l'inquiétude ronge les rangs socialistes, où les tenants d'une ligne social-démocrate se désolent de voir leur candidat absent du trio de tête composé de la présidente du Front national, Marine Le Pen, de l'ancien ministre de l'Economie Emmanuel Macron, qui a pris l'avantage dans les sondages sur le candidat de la droite François Fillon.

Si certains lui reprochent d'avoir perdu trop de temps à discuter avec des formations étrangères au PS, la plupart des critiques ciblent le projet de Benoît Hamon, jugé "utopiste, irréaliste voire dangereux" par le député Marc Goua.

"Nous sommes extrêmement inquiets de la tournure prise par la campagne menée par Benoît Hamon et Yannick Jadot", a déclaré le député Gilles Savary au sortir d'une réunion d'une quinzaine de députés "réformateurs", mardi à l'Assemblée nationale.

Elle s'est tenue en présence de lieutenants d'Emmanuel Macron comme le maire de Lyon, Gérard Collomb, et le député Christophe Caresche, qui a rejoint le fondateur d'En Marche!.

"RASSURÉS"

Autre converti "macroniste", le député radical de gauche Alain Tourret décrit "une dynamique en train de se faire autour de Macron dans tous les secteurs de l'opinion", en rupture avec "le programme de M. Hamon qui ce n'est pas celui d'une gauche rationnelle et raisonnable marquée par l'esprit des Lumières".

Gilles Savary décrit un moment "extrêmement compliqué".

"Il y a aujourd'hui des gens qui sont tentés tout de suite d'aller chez Macron, d'autres qui sont tentés de le faire plus tard, d'autres qui sont dans l'attentisme", a-t-il dit.

Signe de la mauvaise humeur générale, la réunion du comité parlementaire de mardi après-midi a fait l'objet d'une passe d'armes entre Benoît Hamon et ses contradicteurs, selon une source parlementaire : "réformistes" et "vallsistes" ne voulaient pas aller au siège de campagne de Benoît Hamon, qui a lui-même refusé de se rendre à l'Assemblée.

La centaine de parlementaires se sont retrouvés en terrain neutre à l'espace "Tapis rouge", non loin du quartier général du candidat, selon qui la rencontre "s'est très bien passée".

Plusieurs participants ont décrit une séance de questions- réponses sur une dizaine de sujets comme la "taxe robot", la Loi Travail et la laïcité, permettant au candidat d'affiner sa position sur certains points controversés.

"Ceux qui avaient besoin d'être rassurés le sont et ceux qui avaient besoin d'un peu plus d'élan l'ont eu aussi", a déclaré à Reuters à la sortie le député Christian Paul.

RAMENER HAMON AU "CENTRE"

Pour son collègue Alexis Bachelay, "l'arbre de quelques voix discordantes" ne saurait cacher "la forêt de l'immense majorité des parlementaires qui souhaitent que Benoît Hamon l'emporte et fasse une bonne campagne".

Les "vallsistes" se sont retrouvés mardi autour de leur champion, rentré de longues vacances en Espagne, pour évoquer les moyens de peser sur une campagne jugée mal engagée.

L'ancien Premier ministre a déjeuné avec des députés de son courant au ministère de Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes, a-t-on appris de source parlementaire.

Il a ensuite réuni ses troupes à l'Assemblée. Au nombre des participants, nombreux selon des témoins, figuraient des ministres (Patrick Kanner, Emmanuelle Cosse, Jean-Vincent Placé...) et une quarantaine de parlementaires.

"Nous avons conclu sur la nécessité de jouer collectif, de faire les meilleurs efforts pour amener le candidat Hamon à bouger", a dit à Reuters l'un des parlementaires présents.

"On fait le maximum pour essayer de ramener le candidat au centre", a-t-il poursuivi, refusant de préciser quel serait le scénario si l'ancien ministre de l'Education refusait d'amender son projet en vertu de la ligne social-démocrate défendue par Manuel Valls.

"On reste groupés, pas de ralliement individuel à Emmanuel Macron", a-t-il ajouté.

Jean-Marie Le Guen a dénoncé mardi "l'impasse stratégique" dans laquelle s'est engouffré selon lui Benoît Hamon, tenant d'une ligne trop radicale à ses yeux pour séduire une majorité.

"Il ne peut pas s'adresser simplement à 20% des Français qui, pour telle ou telle raison, sont sensibles à des thèmes d'une gauche radicalisée", a insisté sur RTL le secrétaire d'Etat à la Francophonie, proche de Manuel Valls.

(Avec Marine Pennetier, édité par Sophie Louet)