25 évêques français auraient couvert des prêtres, selon Mediapart

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(Crédits : © Charles Platiau / Reuters)

PARIS (Reuters) - Vingt-cinq évêques français, dont cinq toujours en poste, ont couvert pendant des années 32 prêtres auteurs d'abus sexuels, qui ont laissé derrière eux 339 victimes présumées sans que la justice en soit informée, selon une enquête de Mediapart.

Le cardinal Philippe Barbarin, visé par une enquête qui a été finalement classée sans suite en 2016 à Lyon, a eu connaissance de cinq cas de prêtres accusés d'abus sexuels, sans pour autant saisir la justice, ajoute lundi le site d'informations.

Pour leur permettre d'échapper aux autorités judiciaires ou éviter des scandales médiatiques, l'Eglise, depuis 1990, a déplacé plus de 90 prêtres impliqués dans des affaires de pédophilie, indique-t-il dans un autre volet réalisé avec "Cash Investigation", émission qui sera diffusée mardi sur France 2.

La Conférence des évêques de France explique lundi son refus de participer à l'émission par "les méthodes utilisées pour les interviews".

"Il apparaît que la déontologie journalistique ne soit pas respectée et que cette émission soit plus préoccupée d'accuser que d'expliquer", écrit-elle sur son site internet.

L'épiscopat ne commentera pas pour l'instant plus largement l'enquête de Mediapart, a indiqué une porte-parole à Reuters.

Le site d'informations dit se baser sur l'analyse de centaines de documents, archives de presse, lettres manuscrites, rapports judiciaires et témoignages.

"UNE RÉACTION UN PEU ÉPIDERMIQUE"

L'institution catholique a affirmé lors de l'affaire visant le cardinal Barbarin, notamment, que ces scandales relèvent du passé, qu'un tournant a été pris dans les années 2000, et qu'il y aurait dans la plupart des cas prescription.

Mais sur les 32 cas d'agressions sexuelles recensés par Mediapart, la moitié d'entre eux concernent des faits établis après 2000, date charnière avec l'affaire Pierre Pican, premier évêque français condamné pour non-dénonciation.

Parmi ces 32 dossiers, ceux de 28 prêtres "qui ont même été déplacés géographiquement dès que des évêques ou des religieux ont été avisés de faits d'abus sexuels, sans que la justice n'en soit jamais informée", ajoute le site.

Il rappelle que le livret de la Conférence des évêques de France (CEF), publié en 2002 et réédité en 2010 et 2017, oblige les évêques à dénoncer à la justice tout fait d'abus sexuels sur mineurs.

Sur les 25 évêques soupçonnés d'avoir couvert des agissements, cinq étaient encore en poste en janvier dernier, écrit Mediapart.

Outre Mgr Barbarin, cardinal et archevêque de Lyon, il s'agit de Mgr Jean-Luc Bouilleret, archevêque de Besançon, de Mgr Marc Aillet, évêque de Bayonne, de Mgr Yves Le Saux, évêque du Mans, et de Mgr Bernard Fellay, supérieur de la fraternité Saint-Pie-X, en voie de réconciliation avec Rome.

Les enquêtes visant Philippe Barbarin avaient été ouvertes après le dépôt de plainte de six personnes contre l'archevêque de Lyon ainsi que des membres de son entourage et des représentants du Vatican.

Ces personnes disaient avoir été victimes dans leur enfance, dans les années 70 et 80, d'attouchements sexuels de la part du père Bernard Preynat, prêtre dans le diocèse qui encadrait les réunions de jeunes scouts.

Selon Mediapart, le cardinal a en fait été informé de faits concernant cinq prêtres au total, et négligent sur trois autres dossiers.

"On attend la diffusion de l'enquête pour savoir exactement ce qu'elle renferme. Mais le terme de 'couvrir' me semble abusif", a dit à Reuters Me Jean-Félix Luciani, avocat du cardinal Barbarin.

"C'est vrai qu'il y a eu un certain nombre de prêtres qui ont été condamnés et sanctionnés, vrai qu'il y a eu des affaires, mais qui sont plus des histoires de moeurs et non de pédophilie avec des personnes de 17 ou 18 ans. Attention donc à ne pas tout mélanger", a-t-il ajouté.

(Gérard Bon, avec Catherine Lagrange à Lyon, édité par Sophie Louet)