Theresa May lance le Brexit avec de grandes ambitions

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Theresa may lance le brexit avec de grandes ambitions[reuters.com]
(Crédits : © Handout . / Reuters)

par Elizabeth Piper

LONDRES (Reuters) - Après neuf mois de préparatifs, Theresa May a lancé mercredi les négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne avec de grandes ambitions et un projet qui, espère-t-elle, lui permettra d'obtenir un divorce bien plus avantageux que beaucoup ne prédisent.

Mais quel en est le contenu ? Même si la Première ministre britannique a défini en janvier dernier douze objectifs dans ses tractations avec l'UE, de nombreux électeurs, investisseurs ou entreprises n'ont guère d'idée précise sur une stratégie que Theresa May n'entend pas dévoiler en détail.

La dirigeante conservatrice et ses ministres se sont fixé des buts ambitieux. Ils souhaitent des échanges commerciaux "sans friction", un contrôle sur l'immigration et le rétablissement de la souveraineté du pays tout en continuant de coopérer autant que possible avec les Etats membres restants.

D'après des responsables du gouvernement, des parlementaires ou des commentateurs, la chef du gouvernement est convaincue d'avoir de très bonnes cartes à jouer, à condition bien sûr que ses interlocuteurs européens préfèrent le pragmatisme à une démarche punitive.

Theresa May table sur les points forts de la Grande-Bretagne en matière de sécurité, de défense, de justice pénale ou d'aide internationale pour obtenir des concessions sur sa principale demande, celle d'un accord de libre-échange, dit-on de sources gouvernementales.

Tout en affichant sa bonne volonté dans les discussions, le gouvernement britannique cherchera à exploiter les divisions au sein de l'UE, sur la question russe par exemple, et entamera parallèlement des discussions avec les Etats-Unis, l'Inde ou la Chine pour attirer investisseurs et industries créatives.

PLAN A, PLAN B

En coulisse, les hauts fonctionnaires ont tout de même été mandatés pour élaborer non seulement un plan A, mais aussi un plan B, a confié un conseiller ministériel à Reuters, sachant que l'UE pourra difficilement accorder au Royaume-Uni des termes généreux, de crainte de voir d'autres pays lui emboîter le pas.

Selon ce conseiller, chaque ministère a reçu instruction de creuser les domaines où des compromis sont possibles. Mais toute apparente concession de Theresa May envers l'UE pourrait aussi retourner l'opinion publique contre la Première ministre et provoquer une rébellion des élus eurosceptiques.

Or ces derniers, poussés par des lobbys pro-Brexit bien financés et le parti de l'Indépendance du Royaume-Uni (UKIP) qui s'érige en "chien de garde du Brexit", sont incontournables si May veut conserver son étroite majorité.

A l'autre bord, la Première ministre devra composer avec ls nationalistes en Ecosse et en Irlande du Nord, deux nations du Royaume-Uni dont les électeurs ont voté majoritairement pour le maintien au sein de l'UE lors du référendum du 23 juin dernier.

Le Parlement écossais a voté mardi en faveur d'un référendum sur l'indépendance fin 2018 ou début 2019, une fois connues les conditions du Brexit, mais Londres, dont l'aval est indispensable pour que la consultation ait valeur légale, y a opposé une fin de non-recevoir.

PRÉVOIR L'INATTENDU

Le gouvernement nationaliste écossais se plaint de ne pas avoir été informé au préalable de la direction qu'entend prendre Theresa May dans les négociations avec l'UE, fustigeant son "intransigeance".

Mais même au sein du gouvernement, certains se demandent si la Première ministre s'est elle-même fixé sa propre liste de priorités dans les discussions.

Sollicités depuis des mois, les entreprises, universités, hôpitaux ou banques ont donné leur point de vue mais la plupart ignorent si leurs doléances ont été entendues.

"Il y a du retard", concède le conseiller ministériel, expliquant que les comptes rendus sont adressés au 10, Downing Street et examinés par la Première ministre et ses deux plus proches assistants, Nick Timothy et Fiona Hill.

Theresa May a encore du temps pour peaufiner sa stratégie car les Vingt-Sept vont prendre quelques semaines pour s'entendre sur les lignes directrices des négociations, qui seront normalement entérinées lors d'un sommet le 29 avril.

Et comme le dit la plus haute fonctionnaire au sein du ministère du Brexit, les plans peuvent toujours être défaits.

"Il faut savoir s'attendre à l'inattendu", souligne Sarah Healey, directrice de cabinet au ministère sur la sortie de l'Union européenne. "Des événements extérieurs peuvent avoir un gros impact sur l'action du ministère et nous devons être souples et capables d'y faire face."

(Jean-Stéphane Brosse pour le service français)