Les ralliements à Macron, arme à double tranchant

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(Crédits : © Philippe Wojazer / Reuters)

par Emmanuel Jarry

PARIS (Reuters) - Les digues ont finalement cédé. A 25 jours de l'élection présidentielle, Manuel Valls a sans doute donné mercredi le signal d'une nouvelle vague de soutiens venant de la gauche à son ex-ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, en annonçant qu'il voterait pour lui dès le premier tour.

Une arme à double tranchant pour le candidat d'En Marche ! au coude à coude dans les intentions de vote au premier tour avec la présidente du Front national, Marine Le Pen, et favori des sondages pour le second.

Son entourage veut avant tout y voir un nouveau symptôme de la dynamique suscitée par la candidature de l'ex-banquier de 39 ans, qui engrange chaque jour des soutiens de tous bords.

Ses adversaires de droite et de gauche s'en sont en revanche emparés, avec des arguments parallèles, pour tenter de jeter le discrédit sur un grand axe de sa campagne : le renouvellement de la vie politique française, de ses usages et de ses acteurs.

"Les inspirateurs, les porte-parole et les théoriciens des décisions qui ont fait tant de mal à la gauche (...) ont trouvé ou trouvent refuge, désormais, chez Emmanuel Macron", a lancé le candidat socialiste, Benoît Hamon, de son QG de campagne.

Il a ainsi rejoint la droite et son candidat, François Fillon, qui n'ont de cesse de dénoncer dans l'ancien ministre de l'Economie un héritier de François Hollande et ont crié de nouveau, mercredi, à la "supercherie".

Pour le directeur général adjoint d'Ifop France, Frédéric Dabi, l'argument présentant Emmanuel Macron comme le candidat du pouvoir sortant n'a pas encore vraiment pris dans d'opinion mais "pourrait être exacerbé dans les semaines à venir".

CHEMIN DE CRÊTE

Le lâchage cette semaine du général de gendarmerie Bertrand Soubelet, qui a quitté En Marche ! moins d'un mois après avoir rejoint le mouvement, est peut-être une première alerte.

Dans un courrier publié par Le Figaro, il explique que les récents ralliements enregistrés par Emmanuel Macron, notamment de membres de l'actuel gouvernement, "ne correspondent pas à (sa) conception du changement".

Selon l'entourage du candidat, il a surtout pris ombrage du ralliement du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui l'avait écarté de la direction des opérations de la gendarmerie nationale, et du refus d'En Marche d'accepter automatiquement sa candidature aux législatives dans les Hauts-de-Seine.

Emmanuel Macron, qui veut rassembler des sociaux-démocrates à la droite sociale en passant par le centre et les écologistes, est confronté depuis qu'il est candidat à une équation délicate.

Comment gérer l'afflux des ralliements d'élus et de figures politiques ou de la société civile de tous bords sans dévoyer les objectifs d'En Marche ! ni générer de frustrations ?

Comment éviter que l'afflux de soutiens venus de la gauche effarouche les électeurs du centre-droit et de la droite tentés de voter pour lui, tout en faisant en sorte que les soutiens émanant de la droite ne rebutent pas l'électorat de gauche ?

"Jusqu'à présent, Emmanuel Macron gère plutôt bien les choses et a réussi à maintenir un équilibre droite-gauche", Frédéric Dabi.

TOURNER LA PAGE

"C'est un problème de riche" fait-on valoir dans l'entourage du candidat. "Même si cela demande attention et vigilance, c'est moins difficile que d'expliquer à des militants pourquoi leur parti est déserté par ses poids lourds. Nous préférons être dans notre situation que dans celle de Hamon ou Fillon."

Emmanuel Macron n'en a pas moins pris les devants, mardi, en rappelant lors d'une conférence de presse les règles qu'il s'est fixées pour constituer sa majorité et son gouvernement, s'il est élu. Un message tout autant adressé à ses adversaires qu'à ses soutiens présents et à venir et à son électorat.

"Le soutien des citoyens, je m'en réjouis mais l'agenda caché des politiciens, je m'en méfie", a dit le candidat d'En Marche ! "Nous n'avons pas fait tout cela (...) pour continuer à faire pareil ou à faire avec les mêmes."

Il fallait dissiper "le sentiment de quelque chose d'un peu opaque" avant les déclarations de Manuel Valls, explique-t-on de source proche de l'ancien ministre de l'Economie.

Mercredi, il a remercié du bout des lèvres l'ancien Premier ministre tout en réitérant sa volonté de "tourner la page du quinquennat". Leurs relations s'étaient, il est vrai, dégradées quand tous deux étaient au gouvernement.

Manuel Valls a au demeurant pris soin de préciser qu'il ne s'agissait pas d'un ralliement mais d'un "choix de la raison" pour faire barrage à Marine Le Pen.

Ce choix "va devoir être géré avec beaucoup de précaution par Emmanuel Macron", estime Frédéric Dabi, selon qui le risque n'est cependant pas nécessairement là où on l'attendrait.

"N'oublions pas que Valls a un certain crédit à droite. Ce n'est pas Ségolène Royal, ce n'est pas un personnage de gauche repoussoir, Valls a toujours joui d'une bienveillance auprès des sympathisants de droite", explique-t-il. "Et n'oublions pas que le levier du vote utile est un vrai moteur du vote Macron."

(Edité par Emmanuel Jarry)