Le tueur des Champs-Elysées avait déjà menacé des policiers

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Champs-elysees: l'assaillant vise par une enquete antiterroriste[reuters.com]
(Crédits : Christian Hartmann)

par Emmanuel Jarry

PARIS (Reuters) - L'homme qui a tué jeudi un policier sur les Champs-Elysées avait déjà menacé de s'en prendre aux forces de l'ordre et la section antiterroriste du Parquet de Paris avait ouvert une enquête sur lui en mars, a déclaré vendredi le procureur de la République.

Karim Cheurfi, 39 ans, né à Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis), connu pour de multiples actes de délinquance, a tiré peu avant 21h00 jeudi soir, avec un fusil d'assaut kalachnikov, sur un car de police et des policiers en faction devant l'office du tourisme turc, a précisé François Molins.

Il a tué un policier de deux balles dans la tête et en a blessés deux autres, avant d'être lui-même abattu.

"Il a ouvert le feu sur des policiers sachant qu'il allait se faire tuer par eux", estime une source proche de l'enquête.

Selon François Molins, il n'avait pas montré de "signe de radicalisation" en 14 ans de détention et n'était pas fiché S.

Les enquêteurs ont néanmoins retrouvé un message manuscrit "défendant la cause de Daech" (le groupe Etat islamique) près de son corps et un coran dans la voiture avec laquelle il est arrivé sur les Champs-Elysées.

Ils ont aussi trouvé dans le coffre un fusil à pompe, des munitions, deux grands couteaux de cuisine et un sécateur dan un sac de sport.

Selon une source judiciaire, les adresses de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), de trois armureries et du commissariat de police de Lagny-sur-Marne, en Seine-et-Marne, département où il vivait, ont aussi été découverts.

Des perquisitions ont été effectuées à son domicile et chez un de ses proches. Trois membres de son entourage ont par ailleurs été placés en garde à vue.

LOURD PASSÉ

"Les investigations vont désormais s'attacher à déterminer le contexte précis du passage à l'acte de Karim Cheurfi, les conditions dans lesquelles il s'est procuré ses armes (...) et les éventuelles complicités dont il aurait pu bénéficier", a dit le procureur de Paris à la presse.

Karim Cheurfi, célibataire, sans enfant, hébergé chez sa mère à Chelles, était depuis le 14 octobre 2015 en mise à l'épreuve, en exécution d'une condamnation à quatre ans de prison dont deux avec sursis pour une série de petits délits.

En janvier dernier, le parquet antiterroriste avait été informé d'éléments indiquant qu'il cherchait à se procurer des armes et avait "tenu des propos laissant entendre qu'il voulait tuer des policiers", a précisé François Molins.

Selon des sources proches de l'enquête, il avait tenu ces propos alors qu'il était entendu par la police judiciaire de Meaux pour une affaire de droit commun.

Karim Cheurfi avait alors été placé en garde à vue le 23 février et une perquisition à son domicile avait montré qu'il s'était fait livrer par internet des couteaux de chasse, des masques et une caméra GoPro. Mais les enquêteurs n'avaient pas trouvé trace de documentation ou consultation de sites internet faisant l'apologie du terrorisme, a précisé le procureur.

Il avait été libéré mais la section antiterroriste avait quand même ouvert une enquête pour "entreprise individuelle terroriste", prenant en compte ses antécédents judiciaires.

Quatorze ans plus tôt, en 2001, il avait déjà tiré sur des policiers après avoir percuté accidentellement, au volant d'une voiture volée, le véhicule de deux agents en civil et tenté de s'enfuir en ouvrant le feu quand ils s'étaient identifiés.

Arrêté, il avait alors dérobé l'arme d'un policier pendant sa garde à vue et tiré sur lui à cinq reprises, le touchant trois fois. Des faits qui lui ont valu d'être condamné à 15 ans de prison. Il sera libéré au bout de dix ans.

Le 7 avril, son juge d'application des peines l'avait convoqué à la suite d'un voyage en Algérie du 15 janvier au 14 février, en contravention avec les obligations de la mise à l'épreuve. Karim Cheurfi avait expliqué qu'il avait fait le voyage pour se marier, selon le procureur.

QUESTIONS

La question de savoir comment cet homme signalé pour sa dangerosité a pu passer à l'acte aussi facilement se pose inévitablement, comme à chaque fois dans ce type d'affaire.

"Il n'aurait jamais dû être dehors. Il y a un problème de justice pénale sur lequel il faudra se pencher", a déclaré à Reuters le secrétaire général du syndicat Alternative Police-CFDT Denis Jacob.

Ce n'est pas la seule question sans réponse.

La revendication de l'attentat par l'organisation de l'Etat islamique (EI) au nom d'Abou Youssouf Al-Belgiki ("Le Belge"), ne correspond absolument pas à l'identité de Karim Cheurfi.

"On ne comprend pas pourquoi l'EI a cité une personne qui n'est pas la bonne", a déclaré à Reuters une source proche de l'enquête. "Ce qui semble logique, c'est que l'EI avait l'intention de faire quelque chose pendant la présidentielle."

Y a-t-il malgré tout un lien avec la Belgique ?

Les autorités belges avaient adressé aux services de police français des renseignements annonçant l'arrivée imminente en France d'un "individu très dangereux", prénommé Youssouf.

Dans la soirée, les services français diffusaient une fiche de recherche intitulée "Attentat sur les Champs - Urgent", avec le nom et la photographie de cet homme, signalant qu'il était "arrivé depuis la Belgique avec le Thalys".

Ce Youssouf avait-il des liens avec Cheurfi ou ces deux affaires sont-elles distinctes ?

Le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Pierre-Henry Brandet, a en tout cas confirmé sur Europe 1 que les autorités françaises enquêtaient sur un homme signalé par la Belgique.

Mais selon l'agence Belga, un individu répondant à cette identité s'est rendu spontanément à la police d'Anvers.

(Avec Gérard Bon, John Irish, Service France, édité par Simon Carraud)