Ankara bombarde les Kurdes en Irak et Syrie, Washington proteste

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18 morts apres les raids aeriens turcs[reuters.com]
(Crédits : Rodi Said)

par Isabel Coles et John Davison

ANKARA/ISTANBUL/BEYROUTH (Reuters) - Les Etats-Unis ont exprimé mardi leur préoccupation à la suite de raids de l'aviation turque contre des combattants kurdes dans la région du Sinjar en Irak ainsi que dans le nord de la Syrie, que le président turc Recep Tayyip Erdogan a promis de poursuivre jusqu'à "élimination du dernier terroriste".

L'armée turque a fait état d'un bilan d'environ 70 morts au total dans les rangs de combattants liés au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qu'Ankara classe comme une organisation terroriste et combat dans le sud-est de la Turquie depuis plus de trente ans.

En Syrie, les frappes ont fait une vingtaine de morts parmi les Unités de protection du peuple (YPG), une milice que la Turquie considère comme la branche syrienne du PKK mais qui est une importante composante des Forces démocratiques syriennes (FDS) appuyées par les Etats-Unis, selon un bilan fourni par un porte-parole des YPG.

C'est sur l'alliance avec les FDS que compte Washington pour reprendre Rakka, dernier grand bastion urbain de l'Etat islamique (EI).

A Washington, le département d'Etat américain a manifesté son mécontentement après les frappes turques, se disant "sérieusement préoccupé".

"Nous avons fait part de ces inquiétudes directement au gouvernement turc. Ces frappes aériennes n'ont pas été approuvées par la coalition (anti-Etat islamique sous commandement américain, NDLR) et ont conduit malheureusement à des pertes au sein de nos forces partenaires dans la lutte" contre Daech, a déclaré le porte-parole du département d'Etat, Mark Toner, lors d'une téléconférence avec des journalistes.

"Nous reconnaissons les inquiétudes concernant le PKK mais ce genre d'actions nuit franchement aux efforts de la coalition pour lutter conrtre l'EI et nuit franchement à nos partenaires sur le terrain qui mènent ce combat", a-t-il ajouté.

PAS DE SANCTUAIRE POUR LE PKK, DIT ERDOGAN

L'armée turque a expliqué que les deux régions qu'elle a prises pour cibles étaient devenues des "centres du terrorisme" et que le but de ces bombardements était d'empêcher les combattants du PKK d'acheminer des armes pour commettre des attentats en Turquie.

"Conformément à nos prérogatives basées sur le droit international, des frappes aériennes ont été menées pour détruire ces centres terroristes qui menacent la sécurité, l'unité et l'intégrité de notre pays et de notre nation et des cibles terroristes ont été atteintes avec succès", a annoncé l'armée turque dans un communiqué.

Dans une interview accordée à Reuters, le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré que la Turquie ne permettrait pas que la région de Sinjar devienne un sanctuaire pour le PKK.

Il a dit regretter la mort de plusieurs peshmergas également déployés dans le Sinjar, assurant qu'il ne s'agissait absolument pas d'une "opération contre les peshmergas", qui constituent les forces de sécurité du Kurdistan autonome irakien.

Le président du Kurdistan autonome, Massoud Barzani, avait été prévenu, a ajouté le président turc.

Les frappes aériennes ont été conduites vers 02h00 du matin (lundi 23h00 GMT), ajoute l'armée.

Les milices YPG ont précisé dans un communiqué que leur QG du mont Karachok en Syrie, près de la frontière turque, avait été touché. Les bâtiments concernés sont un centre médical, une antenne locale de radio, un centre de communication et des installations militaires.

"Les frappes barbares de l'aviation turque contre un centre des YPG ce matin à l'aube ont provoqué la mort de 20 martyrs et fait 18 blessés, dont trois sont dans un état grave", a déclaré leur porte-parole, Redur Xelil.

Ilham Ahmed, qui est co-président de l'aile politique des FDS, a demandé aux Etats-Unis d'assurer une protection aérienne de ces troupes contre les attaques turques.

La Turquie a régulièrement mené des raids aériens contre les positions des Kurdes en Irak, près de sa frontière, depuis que la trêve observée par les activistes et les forces gouvernementales a été remise en cause en juillet 2015.

Le PKK a établi sa présence dans la région montagneuse du Sinjar lorsqu'il est intervenu pour porter assistance aux populations yazidies, victimes d'exactions des djihadistes de l'EI lors de leur offensive à l'été 2014.

(Eric Faye, Pierre Sérisier et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)