Un juge bloque un décret de Trump sur les "villes sanctuaires"

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Un juge bloque un decret de trump sur les villes sanctuaires[reuters.com]
(Crédits : Carlos Barria)

par Dan Levine

SAN FRANCISCO (Reuters) - Un juge américain a suspendu mardi un décret de Donald Trump menaçant de geler les fonds fédéraux versés aux "villes sanctuaires", qui protègent les immigrants en situation irrégulière.

Dans son jugement, le juge de district de San Francisco William Orrick III estime que le décret présidentiel du 25 janvier cible de vastes catégories de fonds fédéraux, non seulement ceux consacrés à la politique migratoire, et que ceux qui porteront plainte contre cette décision devraient facilement prouver qu'elle est contraire à la Constitution.

Donald Trump a, comme à son habitude, réagi sur son compte Twitter dénonçant "un jugement ridicule". "On se verra devant la Cour suprême", a-t-il lancé à l'adresse du magistrat.

Avant d'être portée devant la plus haute juridiction du pays, l'affaire devrait d'abord être entendue par une cour d'appel mais les républicains estiment que les tribunaux de seconde instance dans la "neuvième juridiction" de Californie sont aussi partisans que ceux de première instance.

Donald Trump a ajouté dans un second tweet que cette juridiction voyait ses décisions annulées à 80% par la Cour suprême. "On appelle cela une justice accommodante ! Un système désordonné", a-t-il écrit.

Il s'agit d'un nouveau revers de l'administration de Donald Trump sur la question de l'immigration, plusieurs autres décrets ayant déjà été suspendus par la justice, dont celui qui interdisait d'entrée sur le territoire américain les ressortissants de sept pays à majorité musulmane. Le gouvernement a fait appel à ce sujet.

Reince Priebus, le secrétaire général de la Maison blanche, a déclaré que l'administration Trump se préparait à faire appel de la décision.

"L'idée qu'une agence ne peut mettre en place des restrictions raisonnables sur la manière dont les sommes sont dépensées finira par être rejetée", a-t-il dit.

"C'est le neuvième circuit qui devient dingue", a-t-il ajouté, en référence à la circonscription judiciaire de la côte Ouest où le jugement a été prononcée. "A un moment donné, on finira par vaincre à la Cour suprême".

Les "villes sanctuaires" offrent un abri sûr aux immigrants clandestins et n'utilisent en général aucun des financements fédéraux reçus pour aider les forces de police, à des fins de contrôle de l'immigration.

Nombre de ces villes estiment ne pas avoir la place, ni les moyens, de retenir les immigrants en situation irrégulière jusqu'à ce qu'ils soient appréhendés par la police fédérale.

LE COMTÉ DE SANTA CLARA RÉCLAME DES MILLIONS DE DOLLARS

Le comté de Santa Clara, qui comprend la ville de San José et la Silicon Valley, a déposé un recours en février dernier, jugeant contraire à la Constitution la volonté annoncée par Donald Trump de geler les fonds fédéraux. San Francisco a déposé par la suite le même recours.

Le comté de Santa Clara perçoit annuellement environ 1,7 milliard de dollars de fonds fédéraux, soit 35% de ses revenus. Le comté a souligné dans sa plainte que l'Etat fédéral lui devait chaque jour des millions de dollars et que sa planification budgétaire en était affectée.

Le département de la Justice a tenté de faire valoir que les comtés avaient une interprétation très large du décret présidentiel, que celui-ci ne concernait normalement que les fonds des départements de la Justice et de la Sécurité intérieure.

Mais le juge William Orrick a noté dans son verdict que la formulation du décret laissait filtrer la volonté de suspendre des fonds fédéraux au-delà de ceux consacrés au maintien de l'ordre. "Et s'il y a des doutes sur la portée de ce décret, le président et l'Attorney General (ministre de la Justice) l'ont dissipé grâce à leurs propos en public", a ajouté le magistrat.

Le juge a ainsi cité des commentaires de Donald Trump parlant de son décret comme d'une "arme" contre les juridictions qui sont en désaccord avec sa politique d'immigration.

"Les fonds fédéraux qui n'ont aucune relation significative avec la mise en oeuvre de la politique migratoire ne peuvent pas être mis en cause simplement parce qu'une juridiction choisit une stratégie de mise en oeuvre de la politique migratoire que le président désapprouve", a conclu le juge William Orrick.

(Jean-Stéphane Brosse et Pierre Sérisier pour le service français)