par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - François Bayrou a promis lundi d'aller "aussi loin que possible" dans le projet de loi de moralisation de la vie publique, que le nouveau président, Emmanuel Macron, a promis de déposer avant les élections législatives des 11 et 18 juin.
Le nouveau ministre de la Justice a confirmé l'engagement de soumettre au conseil des ministres, avant le premier tour, des mesures "claires et nettes, fortes, indiscutables".
"Notre volonté, c'est que ce texte traite toutes les questions qui sont depuis si longtemps non résolues et sur lesquelles un grand nombre de citoyens engagés se plaignent ou s'inquiètent à juste titre", a-t-il expliqué à la presse.
"Cela veut dire que l'on va peut-être bousculer un certain nombre d'habitudes", a-t-il ajouté. "Je vais essayer de porter cette volonté aussi loin que possible (...) sans ruse juridique, pour que les choses soient carrées et transparentes."
Il avait reçu auparavant le député socialiste René Dosière, spécialiste de ce dossier, qui lui a envoyé trois propositions de loi (constitutionnelle, organique et ordinaire) vendredi.
Il a aussi reçu le président de l'organisation Transparency International France, Daniel Lebègue, et celui de l'association Anticor, Jean-Christophe Picard.
Cette réforme est une promesse d'Emmanuel Macron au président du MoDem pour prix de leur alliance pendant une campagne présidentielle marquée par les "affaires", dont la mise en examen du candidat de droite François Fillon emplois fictifs.
René Dosière, qui ne brigue pas de nouveau mandat, a précisé que ses propositions étaient une "initiative personnelle".
SUS AUX MICRO-PARTIS
Leur coeur est l'encadrement des partis politiques et de leur financement, pour éviter la multiplication des "micro-partis", dont la principale raison d'être est souvent de collecter des fonds et de profiter de la manne publique.
Ce phénomène s'est traduit par une explosion du nombre de partis et "pseudo-partis", de 20 en 1990 à 451 en 2016, dit-il.
Il propose aussi de rendre publique l'identité des personnes physiques dont les dons dépassent 2.500 euros, de limiter à trois le nombre de mandats parlementaires successifs ou de baisser le plafond des indemnités cumulées par les élus.
Il veut supprimer la réserve parlementaire, consistant pour des élus à attribuer à des associations et des collectivités des subventions prélevées sur les budgets ministériels, et interdire l'emploi par un parlementaire ou un élu local de membres de leur famille ou de la famille d'un autre élu de la même assemblée.
Parmi d'autres mesures, il propose enfin de renforcer les prérogatives du déontologue de chaque assemblée parlementaire, avec possibilité de surveiller les comptes bancaires des députés et sénateurs sans pouvoir lui opposer le secret bancaire.
Les propositions de Transparency international France et d'Anticor sont proches de celles de René Dosière.
Le député socialiste a dit à la presse faire confiance à Emmanuel Macron et François Bayrou mais admis des divergences avec le chef de l'Etat, notamment sur la fiscalisation des indemnités pour frais de représentation des parlementaires.
"Cela voudrait dire qu'il faudrait que les parlementaires fournissent le détail de leurs frais et de leurs factures aux services des impôts", a-t-il dit lors de la présentation de ses propositions. "Je suis tout à fait opposé à ce que l'exécutif puisse venir se mêler du fonctionnement de l'Assemblée".
François Bayrou a déclaré que René Dosière avait repris des propositions qu'il avait lui-même proposées mais a reconnu, lui aussi, "quelques nuances".
LE BON MOMENT ?
Il avait prôné un référendum sur la moralisation de la vie publique en 2012 et lancé une pétition en 2013 en réaction à l'affaire Jérôme Cahuzac, le ministre du Budget contraint à la démission pour avoir dissimulé un compte en banque à l'étranger.
Les mesures évoquées ont en tout cas déjà soulevé les critiques d'une partie de la classe politique.
La présidente du Front national, mise en cause dans une affaire d'emplois fictifs au Parlement européen, a ainsi dénoncé l'idée d'interdire aux micro-partis de prêter de l'argent à des candidats comme un "cadenassage de la vie politique".
"Ce sont les banques qui vont décider qui a le droit d'être candidat ou pas", s'est indignée Marine Le Pen sur franceinfo.
L'association Jeanne, proche de la présidente du FN, est l'objet d'une information judiciaire pour "escroqueries" et "abus de biens sociaux" et blanchiment.
Christian Jacob, chef de file des députés Les Républicains, avait pour sa part déclaré dimanche refuser "de tomber dans ce populisme" consistant à "taper sur les parlementaires".
Mais pour François Bayrou, il est possible de lever les réticences, "à supposer qu'elles soient de bonne foi" : "Il ne faut pas hésiter, quand on a l'élan (...) C'est le moment de franchir ces obstacles."
Pour Jean-Christophe Picard, "ce qui va peser, c'est l'opinion publique" et le moment est bien choisi car il sera difficile pour les dirigeants politiques de s'opposer à ce type de mesures avant les législatives.
Daniel Lebègue a pour sa part estimé, après son entretien avec François Bayrou, que les recommandations retenues à ce jour par Emmanuel Macron étaient "plébiscitées" par les citoyens de tous bords : "Ça nous donne une dynamique pour faire une loi forte, ambitieuse, et surmonter des résistances."
(Avec Cyril Camu et Caroline Pailliez, édité par Yves Clarisse)