Philippe réaffirme sa confiance à Ferrand, sur la défensive

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Ferrand destabilise par de nouvelles revelations[reuters.com]
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par Simon Carraud

PARIS (Reuters) - Le Premier ministre, Edouard Philippe, a réitéré mardi soir sa confiance au ministre de la Cohésion des territoires, Richard Ferrand, mis sur la défensive par des révélations embarrassantes sur son passé à la tête des Mutuelles de Bretagne et de député.

Prié de dire si ce soutien de la première heure d'Emmanuel Macron pouvait rester au gouvernement, il a répondu sur France 2 par l'affirmative, tout en se disant parfaitement conscient de l'"exaspération des Français".

Edouard Philippe a cependant ajouté qu'un ministre qui serait mis en examen "devrait démissionner" immédiatement et a redit son exigence d'exemplarité des membres du gouvernement.

Une semaine après de premières révélations embarrassantes par Le Canard enchaîné, de nouvelles informations publiées par la presse ont accru mardi la pression sur Richard Ferrand, sur qui pleuvent critiques de tous bords et appels à la démission.

Des responsables politiques demandent au chef de l'Etat et à son ministre de la Justice, François Bayrou, de sortir de leur silence sur une polémique qui empoisonne le début du quinquennat et la préparation des élections législatives.

Sur une double page, Le Monde décrit ce qu'il présente comme le "système Ferrand", "mélange des genres entre intérêts publics et privés" sur 20 ans, mettant aussi en cause l'ex-femme et la compagne du ministre, Françoise Coustal et Sandrine Doucen.

Un article réfuté point par point par l'intéressé, qui accuse Le Monde dans un communiqué de recourir à des "amalgames" et des "sous-entendus sans jamais rien démontrer".

"Je réfute et condamne tous les soupçons implicites de cet article", écrit le ministre, qui redit n'avoir commis "aucune manoeuvre frauduleuse ou quelconque illégalité".

EMBARRAS

Le Canard enchaîné revient quant à lui dans son édition de mercredi sur le point de départ de cette polémique : la création d'une société civile immobilière (SCI) qui a permis à Sandrine Doucen d'acquérir à bon compte des locaux loués par les Mutuelles de Bretagne quand Richard Ferrand les dirigeait.

Selon cet hebdomadaire et Le Monde, Françoise Coustal a pu pour sa part bénéficier de contrats d'aménagement de locaux des Mutuelles de Bretagne après le divorce du couple en 1994.

Le Monde revient également sur le poste de chargé de mission rémunéré 1.250 euros nets par mois dont a bénéficié, de la part des Mutuelles, Richard Ferrand après son élection à l'Assemblée nationale en 2012 et son départ de la direction de l'entreprise.

Selon le journal, il a alors recruté comme assistant parlementaire le compagnon de sa remplaçante à la tête de la société, Joëlle Salaün, et déposé avec d'autres députés PS une proposition de loi favorable aux adhérents des mutuelles.

Richard Ferrand rappelle dans son communiqué avoir déclaré sa rémunération de chargé de mission à la Haute autorité sur la transparence de la vie publique, nie tout conflit d'intérêt et assure n'être jamais intervenu en faveur de son ex-femme.

Il justifie par ailleurs l'emploi de son fils pendant quatre mois pour un salaire mensuel de 1.266,16 euros nets par la nécessité de remplacer au pied levé son assistant Hervé Clabon, le compagnon de Joëlle Salaün.

Une autre figure de l'équipe de campagne d'Emmanuel Macron, Jean-Paul Delevoye, a estimé sur LCI que cette affaire devait nourrir la réflexion sur le projet de loi de moralisation de la vie publique promise par le chef de l'Etat et en préparation.

Si le président de la commission d'investiture pour les législatives de la République en marche (LREM), parti d'Emmanuel Macron, n'a pas mis en cause explicitement le ministre, ses déclarations reflètent l'embarras des proches du chef de l'Etat.

ACCUMULATION

Edouard Philippe a pour sa part assuré que le projet de loi de moralisation, qui sera présenté en conseil des ministres le 14 juin, établirait des "règles claires" et "innovantes".

Jean-Paul Delevoye a admis que cette polémique pouvait "créer quelques perturbations" dans la campagne des législatives mais sans freiner, selon lui, la dynamique en faveur de LREM.

A droite, le parti Les Républicains (LR), en difficulté, s'est emparé de cette affaire qui rappelle les ennuis de son candidat à la présidentielle François Fillon, mis en examen pour des emplois fictifs présumés octroyés à sa famille.

Lors d'un déplacement de campagne, François Baroin, chef de file de LR pour les législatives, a dit souhaiter l'ouverture d'une enquête judiciaire pour faire la lumière sur le montage immobilier révélé par Le Canard enchaîné.

Cette opération a priori légale ne fait l'objet d'aucune enquête mais a fait naître un soupçon de favoritisme. L'exécutif peut également craindre un effet d'accumulation dévastateur.

"Si ce gouvernement veut encore avoir la moindre crédibilité pour porter un projet de loi de moralisation de la vie publique, il ferait mieux de faire démissionner M. Ferrand", a jugé sur Europe 1 le vice-président du Front national Florian Philippot.

Le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, préfère, lui, voir Richard Ferrand rester "cloué sur sa croix" et offrir ainsi "une excellente vitrine du macronisme réel".

(Avec Elizabeth Pineau, Marine Pennetier, Emmanuel Jarry, edité par Sophie Louet)