Dissonance gouvernementale sur les pesticides

reuters.com  |   |  546  mots

PARIS (Reuters) - Le ministre de l'Ecologie, Nicolas Hulot, a contredit lundi son collègue de l'Agriculture, qui a confirmé des informations de presse selon lesquelles le gouvernement envisagerait d'assouplir l'interdiction des pesticides néonicotinoïdes.

"Les interdictions de néonicotinoïdes et de l'épandage aérien ne seront pas levées, les arbitrages ont été rendus en ce sens", a-t-il écrit sur son compte Twitter.

Les députés ont voté en 2016 l'interdiction à partir de 2018 des néonicotinoïdes, accusés notamment de tuer les colonies d'abeilles, des dérogations restant possibles jusqu'en 2020. Une décision qui va plus loin que le moratoire partiel européen.

Un document préparatoire au projet de loi visant à améliorer les relations entre administration et public, diffusé par RMC et BFM TV, estime que la réglementation française en vigueur pour les néonicotinoïdes n'est pas conforme au droit européen.

Les auteurs de ce document estiment qu'il y a également "sur-transposition" des directives européennes pour l'interdiction en France de l'épandage aérien de pesticides.

Le nouveau ministre de l'Agriculture, Stéphane Travert, a déclaré sur BFM TV qu'il souhaitait assouplir l'interdiction des pesticides néonicotinoïdes.

Il a fait valoir, outre la non-conformité au droit européen, la volonté du gouvernement de gérer les "impasses techniques" - l'absence de produits de substitution dans certains cas.

Le gouvernement entend donc aligner la législation française sur le droit européen et accorder des dérogations pour pouvoir utiliser des produits à base de néonicotinoïdes pour lesquels il n'y a pas de solution de remplacement, a déclaré le ministre.

TENSIONS RÉCURRENTES

"Je veux mettre sur la table (...) la possibilité d'avoir un certain nombre de dérogations tant que nous n'avons pas trouvé les produits de substitution", a-t-il expliqué. "Je demande du temps pour avoir des produits plus vertueux."

Selon lui, le Premier ministre, Edouard Philippe, n'a pas encore arbitré et cela passera par une discussion avec Nicolas Hulot, favorable, quant à lui, à une interdiction stricte des néonicotinoïdes.

"Je veux travailler sur ce sujet avec mon collègue de l'Environnement et du Développement durable et nous nous voyons prochainement pour que nous soyons en phase", a dit Stéphane Travert. "C'est une discussion que nous devons avoir."

Le gouvernement a annoncé la semaine dernière son intention d'arrêter de "surtransposer" les directives européennes dans le droit français afin de renforcer l'attractivité de la place de Paris, notamment dans le cadre du Brexit.

Concernant les épandages aériens de pesticides, interdits sauf situation d'urgence, Stéphane Travert a assuré qu'une demande de dérogation avait été rejetée et que l'arbitrage, en la matière, avait été rendu.

"Il n'y aura qu'une seule dérogation : dans les crises sanitaires graves et si, et seulement si, il n'y aucun risque pour les populations environnantes et les salariés qui travaillent sur les champs et dans l'épandage", a-t-il dit.

Ces questions avaient déjà suscité des tensions sous le quinquennat précédent entre le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll et sa collègue de l'Ecologie Ségolène Royal.

(Julie Carriat et Emmanuel Jarry, avec Sybille de la Hamaide, édité par Yves Clarisse)