Le gouvernement veut élargir la PMA sans crispation

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Le gouvernement veut ouvrir la pma a toutes les femmes[reuters.com]
(Crédits : Tobias Schwarz)

PARIS (Reuters) - Le gouvernement souhaite ouvrir la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes célibataires, comme l'a proposé mardi le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), a annoncé mercredi le porte-parole du gouvernement.

Christophe Castaner a ajouté, lors du compte rendu du conseil des ministres, que l'exécutif voulait que ce sujet soit abordé de façon apaisée, sans crispations ni dogmatismes.

L'avis du CCNE, attendu depuis sa saisine en février 2013 au coeur du débat sur le mariage homosexuel et l'adoption pour les personnes de même sexe, constitue un tournant.

"Durant cette campagne (présidentielle-NDLR), Emmanuel Macron avait été clair, il s'était prononcé en faveur de l'extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires et il s'était prononcé contre la légalisation de la GPA (gestation pour autrui-NDLR)", a dit Christophe Castaner.

"Donc cet avis du CCNE permet d'envisager une évolution de législation sur la PMA dans l'esprit de l'avis du Comité", a-t-il ajouté, en précisant que le gouvernement n'avait pas arrêté le calendrier.

"Il est important de chercher le plus large consensus sur cela, il ne faut surtout pas avoir des positions trop fermes sur cette question, trop dogmatiques, qui opposeraient les uns aux autres parce qu'on sait les tensions, les crispations qui pourront naître", a encore déclaré le porte-parole.

Ces déclarations font écho à celles d'Emmanuel Macron qui, durant la campagne présidentielle, avait parlé d'une France "humiliée" par la loi Taubira de mai 2013 sur l'ouverture du mariage aux couples homosexuels.

"Une des erreurs fondamentales de ce quinquennat a été d'ignorer une partie du pays qui a de bonnes raisons de vivre dans le ressentiment et les passions tristes", avait-il estimé dans une interview à L'Obs. "Il ne faut jamais humilier, il faut parler, il faut 'partager' des désaccords."

Les débats sur la PMA et la GPA sont tout aussi épidermiques que ceux qui ont opposé au début du quinquennat Hollande les partisans du mariage pour tous et leurs opposants.

"REGRETTABLE" DE PRENDRE DES DÉCISIONS RAPIDES

Pour l'heure, l'aide médicale à la procréation est réservée en France aux couples hétérosexuels infertiles mais est autorisée ailleurs en Europe, comme au Royaume-Uni, en Espagne et en Belgique.

La demande de PMA, souligne le comité d'éthique dans son avis, "en l'occurrence une insémination artificielle avec donneur (IAD) pour procréer sans partenaire masculin, en dehors de toute infécondité pathologique, s'inscrit dans une revendication de liberté et d'égalité dans l'accès aux techniques d'AMP pour répondre à un désir d'enfant."

Le CCNE "considère que l'ouverture de l'AMP à des personnes sans stérilité pathologique peut se concevoir pour pallier une souffrance induite par une infécondité résultant d'orientations personnelles".

Cet organisme consultatif s'est lui-même divisé sur la question : deux tiers de ses membres se sont prononcés pour l'élargissement de la PMA, tandis qu'un tiers privilégie le statu quo.

Le CCNE, qui prône des "conférences citoyennes" sur le sujet, relève "une disjonction évidente entre sexualité et procréation, entre procréation et filiation : elle modifie profondément les relations de l'enfant à son environnement familial, en termes de repères familiaux, d'absence de père institutionnalisée ab initio."

"Il serait regrettable pour tout le monde que le président de la République et le gouvernement prennent rapidement des décisions qui entraînent la division en réveillant les passions", a écrit l'archevêque de Rennes, Pierre d'Ornellas, dans une tribune publiée par Le Monde avant l'annonce de Christophe Castaner.

La Manif pour tous, un mouvement qui fut à la pointe de la contestation contre la loi Taubira et lutte contre "la PMA sans père", a pour sa part dénoncé dans un communiqué l'avis du Comité, "en décalage complet avec les aspirations des Français".

SOS Homophobie a en revanche salué "un pas en avant pour toutes les mamans" qui donne "toutes les raisons au président de la République et au gouvernement pour faire voter rapidement une loi sur la PMA".

(Jean-Baptiste Vey avec Simon Carraud, édité par Yves Clarisse)