Coup d'envoi de la réforme du travail sous de bons augures

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French labour minister muriel penicaud leaves after the weekly cabinet meeting at the elysee palace in paris, france[reuters.com]
(Crédits : Charles Platiau)

PARIS (Reuters) - Le gouvernement français a donné mercredi le coup d'envoi d'une réforme rapide du Code du travail entamée sous de bons augures, le syndicat Force ouvrière, qui occupe une position de pivot dans les négociations, ayant envoyé des signaux positifs.

"On ne va copier un modèle. On invente la rénovation de notre modèle social adapté aux enjeux de notre pays", a déclaré la ministre du Travail Muriel Pénicaud après avoir présenté en conseil des ministres le projet de loi d'habilitation à légiférer par ordonnances cet été, en procédure accélérée.

"Le monde change vite : depuis une trentaine d'années il y a eu beaucoup d'évolutions, il y en aura probablement encore plus dans les trente ans qui viennent", a-t-elle expliqué lors d'une conférence de presse au ministère du Travail.

Une nouvelle réforme des règles qui régissent les relations entre salariés et employeurs, la première du quinquennat d'Emmanuel Macron et celle sur laquelle il compte pour résorber le chômage, est indispensable, a ajouté Muriel Pénicaud.

La mondialisation, tout d'abord, a "une facette positive et une facette de risques et de dangers".

"Un emploi sur trois du secteur privé en France est lié à l'international (...) mais il y a aussi des secteurs, des entreprises et donc des salariés qui payent le prix de cette mondialisation et qui ont vu des changements structurels dans leurs domaines, qui ont pu perdre leur emploi", a-t-elle dit.

La révolution technologique, ensuite, "va modifier les conditions de travail, d'emploi, de formation".

Enfin, "les aspirations des salariés qui ont beaucoup changé depuis vingt ans", a dit la ministre.

LES LIGNES BOUGENT

Le projet de loi d'habilitation est composé de neuf articles, dont cinq portent sur les trois grands blocs de réformes que le gouvernement avait promis de présenter.

Il s'agit de la redéfinition de la place des accords de branche par rapport aux accords d'entreprise, la simplification du dialogue social avec la fusion des instances représentatives du personnel (excepté pour les délégués syndicaux) et la sécurisation des relations de travail à travers la mise en place d'un barème encadrant les indemnités prud'homales.

D'autres mesures, contestées par les organisations syndicales, s'inscrivent en dehors des trois blocs de réformes et concernent la mise en place de formes particulières de contrats de travail comme les "CDI de projet", un contrat que l'on peut résilier à la fin d'un projet.

La concertation avec les partenaires sociaux, entamée après l'entrée en fonction d'Emmanuel Macron, a permis de constater que les lignes avaient bougé depuis la réforme du Travail de 2016 qui avait jeté des millions de personnes dans la rue.

Si le patronat y est ouvertement favorable et si le syndicat réformiste CFDT a participé à la concertation avec un esprit ouvert, la CGT a d'ores et déjà lancé un appel à la grève pour le 12 septembre.

"La conférence de presse de la ministre du Travail (...) confirme ce que la CGT craint depuis le début du mois de juin : (...) des attaques portées au monde du travail d'une importance jamais égalée, participant d'une généralisation de la précarité", a réagi l'organisation dans un communiqué.

Dans une interview à Reuters, son secrétaire général, Philippe Martinez, avait déjà qualifié de "mascarade" le processus de concertations qui est en cours depuis le 9 juin et doit se poursuivre jusqu'au 21 juillet.

"CELA VA DANS LE BON SENS", DIT MAILLY

Mais le fait important de la journée de mercredi est la position prise par Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de Force ouvrière, une centrale qui était dans la rue avec la CGT lors des manifestations contre la précédente réforme.

"Pendant la campagne, on avait des déclarations donnant la primauté à l'entreprise. Aujourd'hui, cela va dans le bon sens, et la branche reprend de la vigueur. Mais, à la fin, on ne sait pas où le curseur tombera", a-t-il dit dans Le Monde.

Il explique ne pas avoir l'impression que le gouvernement s'achemine vers un bouleversement de la hiérarchie des normes - c'est-à-dire l'importance des accords de branche ou des ententes nationales par rapport aux accords d'entreprise.

"Si j'avais ce sentiment, la concertation se serait arrêtée. Dès le départ, j'ai indiqué les lignes rouges. Pour le moment, ils ont l'air de les prendre en compte", souligne-t-il.

Le chef de file de FO juge aussi que le plafonnement des indemnités prud'homales, l'un des chapitres explosifs des discussions, ne constituerait pas en soi un casus belli mais, précise-t-il, "tout dépend des conditions de mise en oeuvre".

Mais l'exécutif n'a pas levé toutes les réserves dans l'opinion, à en croire un sondage Elabe pour BFM TV publié mercredi.

Plus de six personnes interrogées sur dix (61%) se disent inquiets de la volonté du gouvernement de réformer le droit du travail et quasiment la même proportion (58%) se déclare opposée au recours aux ordonnances pour légiférer dans ce domaine.

Sur le plan politique, les choses se présentent plutôt bien pour le projet de loi d'habilitation du gouvernement.

Ce dernier dispose, avec le MoDem, d'une très confortable majorité absolue à l'Assemblée avec son allié du MoDem et les députés "constructifs" issus des Républicains sont également favorables à une réforme du Code du Travail.

Seuls les groupes La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon à l'extrême gauche, ainsi que les huit députés Front national à l'extrême droite ont annoncé une opposition frontale, le groupe Nouvelle gauche (ex-PS) était aussi opposé au projet.

(Caroline Pailliez, avec Sophie Louet et Simon Carraud, édité par Yves Clarisse)