EPR : L'ASN valide la cuve mais limite la durée de son couvercle

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L'asn donne un feu vert de principe a la cuve de l'epr[reuters.com]
(Crédits : Benoit Tessier)

par Benjamin Mallet

PARIS (Reuters) - L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a donné mercredi un feu vert de principe à la mise en service de la cuve du réacteur nucléaire de type EPR en cours de construction à Flamanville (Manche), prévenant toutefois que le couvercle de cet équipement ne pourrait pas être utilisé au-delà de 2024.

Le gendarme du nucléaire français a exigé une longue série de contrôles de la part d'EDF et d'Areva après la découverte fin 2014 d'une trop forte concentration en carbone dans certaines zones de la cuve de l'EPR, qui risquait de compromettre la résistance et donc l'aptitude au service de ce composant vital du réacteur.

"Sur la base des analyses techniques réalisées, l'ASN considère que les caractéristiques mécaniques du fond et du couvercle de la cuve sont suffisantes au regard des sollicitations auxquelles ces pièces sont soumises, y compris en cas d'accident", a annoncé l'autorité indépendante dans un communiqué.

L'ASN a toutefois précisé que les anomalies de la cuve conduisaient à une "diminution des marges vis-à-vis du risque de rupture brutale" et juge donc nécessaire qu'EDF réalise "des contrôles périodiques supplémentaires afin de s'assurer de l'absence d'apparition ultérieure de défauts".

Confirmant des informations de Reuters, l'autorité a également indiqué que la "faisabilité technique" de certains contrôles qui doivent être réalisés sur le couvercle de la cuve n'était "pas acquise" et que l'utilisation de cette pièce devait donc être "limitée dans le temps".

Notant qu'un nouveau couvercle pourrait être disponible d'ici fin 2024, l'ASN considère que la pièce actuelle "ne pourra pas être utilisée au-delà de cette date".

Son président, Pierre-Franck Chevet, a précisé lors d'une conférence de presse qu'il n'aurait pas d'objection à ce qu'EDF remplace le couvercle avant cette date, une opération déjà réalisée par l'exploitant sur 54 des 58 réacteurs du parc français.

Les défauts de la cuve de Flamanville n'entraîneront a priori aucune restriction d'exploitation du réacteur, a-t-il également dit.

EDF AURAIT ANTICIPÉ LE POSSIBLE REMPLACEMENT DU COUVERCLE

Lors d'une conférence téléphonique, Laurent Thieffry, directeur du projet de Flamanville pour le compte d'EDF, a déclaré que le coût du remplacement du couvercle, qui pourrait durer de quatre à neuf mois, était estimé à 100 millions d'euros environ.

EDF qui vise toujours une mise en service de l'EPR fin 2018, a déjà passé commande d'un nouveau couvercle qui, selon une source proche du dossier, sera forgé par Japan Steel Works et usiné par Areva.

Même si l'ASN s'est montrée sceptique sur ce point, Laurent Thieffry a déclaré qu'EDF espérait toujours pouvoir lui démontrer la faisabilité technique des contrôles à faire sur le couvercle, ce qui permettrait dans ce cas d'éviter de le changer.

L'avis définitif de l'ASN sur l'aptitude au service de la cuve de l'EPR de Flamanville, dont le démarrage est prévu pour fin 2018, sera pris au mois d'octobre après consultation du public.

Il s'agit d'une des conditions essentielles à la recapitalisation d'Areva à hauteur de 5 milliards d'euros - dont 4,5 milliards assurés par l'Etat - et à la vente de son activité réacteurs à EDF, deux opérations dont la finalisation est prévue d'ici à la fin de l'année. et

L'ASN s'est notamment appuyée sur l'avis d'un groupe d'experts, qui a lui aussi conclu à l'aptitude au service de la cuve de Flamanville bien que deux de ses 35 membres aient formulé un avis alternatif.

"Les industriels tentent de faire passer en force des mesures dérogatoires à la sûreté nucléaire pour que l'EPR soit mis en fonctionnement avec des pièces qui comportent des anomalies graves", a estimé Greenpeace dans un communiqué.

L'ONG en a ainsi appelé "à la responsabilité" de Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique, en lui demandant de mettre fin au chantier de Flamanville afin qu'il ne revienne pas "aux citoyens français de payer le prix des erreurs stratégiques et techniques d'EDF et Areva".

EDF a plusieurs fois confirmé ces derniers mois le calendrier et le coût de l'EPR de Flamanville, estimé à 10,5 milliards d'euros depuis septembre 2015.

Annoncé à trois milliards d'euros lors de la présentation du projet en 2004, l'EPR de Flamanville devait initialement entrer en service en 2012. Mais des difficultés à répétition sur le chantier et dans la fourniture de certains équipements ont contraint à de multiples reprises EDF à reporter cette date et à revoir à la hausse le coût du projet.

Trois autres EPR sont en construction dans le monde : un en Finlande construit par Areva, qui connaît lui aussi d'importants retards et surcoûts ; et deux en Chine, dont un au moins devrait être cette année le premier du genre à entrer en service.

Après des mois de négociations tendues, la Grande-Bretagne, la France et la Chine ont en outre signé en septembre 2016 le contrat de construction par EDF et le chinois CGN de deux EPR à Hinkley Point, dans le sud-ouest de l'Angleterre, un projet de 18 milliards de livres (plus de 20 milliards d'euros).

Pierre-Franck Chevet a précisé que les autres pays ayant des projets d'EPR avaient été associés à toutes les étapes de contrôle de la cuve de Flamanville et que les autres réacteurs en construction étaient potentiellement concernés par les mêmes anomalies que celles de l'exemplaire construit en France.

Laurent Thieffry a observé que les couvercles des EPR de Taishan en Chine avaient été également réalisés au Creusot, ajoutant toutefois que c'était à leur exploitant de décider des mesures éventuelles à prendre.

(Avec Geert de Clercq, édité par Jean-Michel Bélot)