La droite française face au risque de la désagrégation

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La droite francaise face au risque de la desagregation[reuters.com]
(Crédits : Charles Platiau)

par Simon Carraud

PARIS (Reuters) - Menaces d'exclusion, échanges d'invectives et manoeuvres en coulisse : Les Républicains (LR) se déchirent comme rarement depuis l'élection d'Emmanuel Macron et plus encore depuis la rentrée à l'Assemblée nationale, à tel point que se dessine désormais le scénario d'une morcellement en chapelles éparses.

La droite française, qui a déjà une longue histoire de divisions et de rancoeurs, ne parvient à s'entendre ni sur la stratégie à adopter face au nouveau pouvoir, ni sur sa ligne globale, ni sur la répartition des postes au Parlement.

"Nous sommes dans une crise sans précédent", a résumé jeudi Bernard Accoyer, chargé en tant que secrétaire général de conduire son parti jusqu'au congrès à haut risque de décembre, dans une interview à L'Opinion.

L'ancien "filloniste", interrogé sur l'hypothèse d'une partition et d'un retour de la droite à un duopole RPR-UDF, s'est contenté pour toute réponse de formuler des voeux : "Je ne peux pas en avoir l'assurance absolue. Pour ce qui me concerne, je souhaite que nous restions unis", a-t-il dit.

En attendant, il s'est prononcé au nom de la "clarification" pour une sanction des députés adhérant au groupe des "constructifs", coupables à ses yeux d'entretenir le flou en gardant une jambe dans l'opposition et une autre dans la majorité, voire pour une exclusion pure et simple.

Le sort de la douzaine de séparatistes, à qui une partie de la droite instruit un procès en trahison, devrait être tranché lors du prochain bureau politique de LR, prévu le 11 juillet.

"PROFESSIONNEL DE LA TRAHISON"

Entérinée la semaine dernière avec la création d'un groupe dissident, la rupture à l'Assemblée a pris un tour dramatique mercredi au moment où étaient mises en jeu les charges au bureau de l'Assemblée nationale.

Thierry Solère, chef opérationnel de la droite "Macron-compatible", a obtenu un poste convoité de questeur, rompant ainsi avec la tradition, vieille de plus de 40 ans, qui réservait une place au groupe d'opposition le plus fourni - et donc à LR vu l'équilibre des forces en présence.

Cette élection, permise grâce aux voix de La République en marche (LREM) et du MoDem, a aussitôt provoqué un tollé au Palais-Bourbon.

Thierry Solère ? "Un individu" qui a "trompé et menti", selon Christian Jacob, président du groupe LR à l'Assemblée. Un "professionnel de la trahison" (...) "qui par ailleurs fait l'objet d'une enquête préliminaire dans un dossier fiscal très lourd", selon le député Eric Ciotti, représentant de l'aile la plus à droite du parti, invité jeudi de BFM TV.

Il y a quatre mois, le même Thierry Solère officiait encore comme porte-parole de François Fillon et, dans son camp, on saluait unanimement son rôle dans la bonne organisation de la primaire de novembre 2016.

Au-delà du cas des "constructifs", en voie d'être réglé, c'est l'unité de la droite tout entière qui va se jouer dans les mois à venir.

"PLUS GRAND-CHOSE EN COMMUN"

Laurent Wauquiez, qui prépare le terrain à une candidature à la présidence de LR, est regardé comme un épouvantail par de nombreux cadres dirigeants du parti, hérissés par son discours à droite toute, volontiers identitaire et conservateur.

"Très franchement, je n'imagine pas faire partie d'une famille politique Les Républicains qui n'aurait pas les centristes en son sein", a prévenu l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, autorité morale du courant "constructif", dans un entretien au Monde de vendredi.

Pour l'heure, personne ne s'est déclaré face à lui, pas même Xavier Bertrand, qui a un temps entretenu le suspense avant de déclarer forfait au profit de Valérie Pécresse - elle-même silencieuse sur ses ambitions.

Dans sa déclaration de non-candidature au Journal du dimanche, le président de la région Hauts-de-France a dressé le constat amer d'un parti qui aurait perdu sa raison d'être, 15 ans après la fusion des droites au sein de l'UMP.

"Il n'y a plus grand-chose en commun entre nous", a-t-il jugé. "Nous continuons à vivre ensemble, mais ça fait bien longtemps qu'on ne s'aime plus. Et on a peut-être plus grand-chose à faire ensemble."

En prononçant ces mots, il a commencé à écrire le scénario d'une droite scindée en trois, l'une "constructive", l'autre réunie autour d'un noyau central, et une dernière, plus à droite, réduite au carré des fidèles de Laurent Wauquiez.

"À mes amis : ne répondez pas aux invectives et caricatures. Ne laissons pas les médiocres aigreurs nous détourner du seul objectif qui compte : la reconstruction d'une droite fière de ses valeurs", a aussitôt écrit Laurent Wauquiez sur Twitter, sans citer personne.

(Edité par Yves Clarisse)