Première déclaration commune entre les frères ennemis libyens

reuters.com  |   |  922  mots
Les factions rivales en libye s'engagent a un cessez-le-feu-projet[reuters.com]
(Crédits : Ismail Zetouni)

par Marine Pennetier

LA CELLE-SAINT-CLOUD, Yvelines (Reuters) - Les deux chefs rivaux de Libye, réunis à l'initiative d'Emmanuel Macron, ont adopté mardi une déclaration commune dans laquelle ils s'engagent à respecter un cessez-le-feu et à oeuvrer en faveur de la tenue d'élections "dès que possible" dans un pays plongé dans le chaos six ans après la chute de Mouammar Kadhafi.

Le Premier ministre du gouvernement d'union nationale (GNA) reconnu par l'Onu, Fayez Seraj, et le chef militaire Khalifa Haftar, homme fort de l'est libyen, ont été reçus l'un après l'autre en milieu d'après-midi par le chef de l'Etat français au château de la Celle-Saint-Cloud (Yvelines), non loin de Paris.

Les trois hommes se sont par la suite retrouvés pendant une heure et demie autour de la même table en présence d'Emmanuel Macron et de l'émissaire spécial de l'Onu Ghassan Salamé, qui doit prendre ses fonctions jeudi.

"Je crois qu'aujourd'hui la cause de la paix en Libye a fait un grand progrès, je veux vraiment vous remercier pour le travail fait", a déclaré Emmanuel Macron à l'issue de la rencontre, aux côtés des deux principaux protagonistes libyens.

"Aujourd'hui, le Premier ministre Seraj et le général Haftar peuvent devenir des symboles de l'unité nationale et d'un engagement de la réconciliation et la paix", a-t-il ajouté en insistant sur le fait que la Libye est pour l'instant le principal pays de transit des migrants en Méditerranée.

Dans leur déclaration commune en dix points - agréée mais non signée par les deux parties - les deux dirigeants soulignent que la solution à la crise ne peut passer que par un processus de réconciliation nationale associant tous les Libyens.

"Nous nous engageons à un cessez-le-feu et à nous abstenir de tout recours à la force armée pour ce qui ne ressort pas strictement de la lutte antiterroriste", peut-on notamment lire.

"C'EST UNE ETAPE"

Ils prennent l'engagement d'œuvrer pour "la tenue des élections présidentielles et parlementaires dès que possible, en coopération avec les institutions concernées et avec le soutien et sous la supervision des Nations unies", ajoute ce document.

Interrogé à ce sujet, Emmanuel Macron a évoqué un accord entre les deux hommes "pour aller sur un processus électoral qui se tiendra au printemps" 2018.

L'émissaire spécial de l'Onu sera lui chargé d'engager "les consultations nécessaires avec les différents acteurs libyens" sur cette feuille de route, fruit de plusieurs jours de tractations entre sherpas.

Quant à l'accord politique signé le 17 décembre 2015 à Skhirat, au Maroc, et qui peine à être appliqué, les deux chefs rivaux se disent résolus à le "rendre opérationnel".

Organisée sous les auspices du chef de l'Etat, la rencontre entre les deux hommes est la première depuis celle du 2 mai à Abou Dhabi, qui n'avait débouché sur aucun résultat concret et avait donné lieu à deux communiqués distincts.

Cette fois-ci, leur rencontre se termine, comme l'espérait Paris, sur une déclaration commune, qui n'est toutefois pas signée et qui n'inclut pas l'ensemble des acteurs en Libye.

Les deux hommes ont la "légitimité et la capacité de réunir autour d'eux toutes celles et ceux qui veulent s'intégrer dans un processus politique de réconciliation", a assuré Emmanuel Macron, tout en reconnaissant que "beaucoup restait à faire".

"C'est une étape, ce n'est pas encore la paix en Libye", abonde un diplomate français.

LIGNE PRAGMATIQUE

Car sur le terrain, la situation reste compliquée. Le GNA, qui s'est installé à Tripoli et est soutenu par l'Onu, reste toujours contesté par le parlement de Tobrouk, à l'Est, et peine à unifier les différentes forces politiques derrière lui.

Longtemps accusé de bloquer le processus politique, Khalifa Haftar a gagné du crédit ces derniers mois, sous l'effet de sa progression sur le terrain face aux groupes djihadistes, aux yeux de certains pays européens.

L'homme fort de l'est du pays, qui bénéficie du soutien de l'Egypte et des Emirats arabes unis, doit toutefois composer avec des accusations régulières de crimes de guerre, notamment des exécutions sommaires de prisonniers.

L'issue de la réunion de ce mardi signe la victoire de la ligne pragmatique défendue par Jean-Yves Le Drian tout au long du quinquennat précédent alors qu'il était ministre de la Défense, face à la ligne du Quai d'Orsay.

"La médiation libyenne est pragmatique. Elle tient compte des réalités du terrain et des rapports de force qui prévalent", a déclaré le chef de la diplomatie française sur Twitter.

L'initiative française, qui s'est organisée dans le plus grand secret ces dernières semaines pour éviter de faire capoter les discussions, a fait grincer des dents en Italie, longtemps en pointe des efforts pour ramener la paix dans son ancienne colonie d'Afrique du Nord.

"Ce que nous sommes vraiment en train de faire mérite mieux que le commentaire périphérique", a réagi Emmanuel Macron. "Tout le monde a été associé, l'ensemble des partenaires que j'évoquais, je les ai associés très étroitement en amont, je les ai tous eus plusieurs fois par téléphone".

"Il y a sur ce sujet véritablement aucun écart de la position française et de la position italienne, c'est un travail commun", a-t-il ajouté, évoquant le risque du terrorisme et des "conséquences" migratoires "directes" sur l'Europe.

(Edité par Yves Clarisse)