Le Premier ministre pakistanais destitué par la Cour suprême

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La cour supreme pakistanaise recuse le premier ministre sharif[reuters.com]
(Crédits : Mohsin Raza)

par Asif Shahzad

ISLAMABAD (Reuters) - La Cour suprême du Pakistan a destitué vendredi le Premier ministre Nawaz Sharif pour corruption à la suite d'une enquête sur la fortune familiale du chef du gouvernement.

Nawaz Sharif, revenu au pouvoir en 2013, a pris acte du verdict en présentant sa démission, tout en émettant de "sérieuses réserves" sur la procédure judiciaire. Il réfute toute malversation et a jugé que l'enquête qui l'a visé était biaisée.

Le parti au pouvoir, la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (PML-N), qui dispose de la majorité au Parlement, devrait nommer un nouveau Premier ministre pour diriger le gouvernement jusqu'aux prochaines élections prévues en 2018.

La Cour suprême a également ordonné le limogeage du ministre des Finances Ishaq Dar, l'un des plus proches alliés de Nawaz Sharif, crédité d'avoir remis l'économie nationale sur les rails d'une croissance forte.

Ces décisions plongent à nouveau le Pakistan dans une zone de turbulences politiques après une période de relative stabilité, marquée par une amélioration de la sécurité.

L'éviction de Sharif, qui dirigeait le gouvernement pour la troisième fois après avoir été poussé à la démission en 1993 et chassé par un coup d'Etat en 1999, pose également de nouvelles questions sur la solidité de la démocratie pakistanaise, aucun Premier ministre n'ayant réussi à achever son mandat depuis l'indépendance du pays en 1947.

A l'unanimité, la Cour suprême a jugé que Nawaz Sharif n'était plus à même d'exercer ses fonctions au vu des conclusions d'une enquête sur la fortune du chef du gouvernement et de sa famille.

VICTIME DES PANAMA PAPERS

Les accusations qui visent Sharif découlent de la publication l'an dernier des "Panama Papers", des documents du cabinet Mossack-Fonseca, basé au Panama, qui semblent montrer que la fille et deux fils du Premier ministre pakistanais démissionnaire ont possédé des actifs offshore et s'en sont servi pour acheter des biens immobiliers à Londres.

En avril, la Cour suprême avait estimé que les éléments à sa disposition ne justifiaient pas la destitution du chef du gouvernement, mais avait demandé un complément d'enquête.

Nawaz Sharif a démenti toute malversation et dénoncé un complot.

"Ce n'est pas rendre des comptes, c'est de la vengeance", a réagi sur Twitter l'un de ses alliés, le ministre des Transports ferroviaires Khawaja Saad Rafiq, avant l'annonce du verdict. "Dans un effort pour nous déloger, le système démocratique a été pris pour cible."

D'autres ministres du gouvernement, y compris de proches alliés de Sharif, ont déclaré qu'ils respecteraient le verdict de la Cour.

L'opposition s'est réjouie, promettant de mettre fin à la "dynastie" Sharif. "Aujourd'hui le peuple pakistanais a obtenu la justice. Un nouveau chapitre a commencé", a déclaré Jehangir Khan Tareen, membre du PTI (Mouvement du Pakistan pour la justice), dirigé par l'ancienne star du cricket Imran Khan.

Ce dernier a évoqué un "jour de victoire pour le Pakistan". "Aujourd'hui et demain, les gros voleurs se feront attraper", a-t-il promis.

Les analystes s'attendent à ce que Sharif mette un allié à la tête du gouvernement jusqu'à la tenue des élections en 2018. Son frère Shahbaz, qui dirige la province du Punjab, pourrait alors prendre la tête du PML-N.

Parmi ses successeurs potentiels, on compte le ministre de la Défense, Asif Khawaja, le ministre de la Planification, Ashan Iqbal, ou encore celui du Pétrole, Shahid Abbasi.

(Jean-Stéphane Brosse et Nicolas Delame pour le service français)