Au Pakistan, Nawaz Sharif nomme son frère Shahbaz pour lui succéder

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Au pakistan, shahbaz sharif favori pour succeder a son frere nawaz[reuters.com]
(Crédits : Faisal Mahmood)

par Drazen Jorgic

ISLAMABAD (Reuters) - L'ancien Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif, destitué vendredi par la Cour suprême pour des soupçons de corruption, a désigné son frère comme successeur lors d'un discours devant le parti au pouvoir, la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (PML-N).

"J'ai quitté mes fonctions, quelqu'un devra donc les exercer. Après de nombreuses consultations (...) Shahbaz est nommé", a annoncé samedi Nawaz Sharif.

Âgé de 65 ans, Shahbaz Sharif dirige la province du Punjab, la plus peuplée du Pakistan avec plus de la moitié des 190 millions d'habitants du pays. Il devra d'abord être élu à l'Assemblée nationale pour prétendre diriger le gouvernement.

En attendant que Shahbaz Sharif soit élu député, les dirigeants de la PML-N, réunis samedi, ont désigné Shahid Khaqan Abbasi, qui était ministre du Pétrole dans le cabinet sortant, pour diriger le gouvernement par intérim.

Agé de 58 ans, Shahid Khaqan Abbasi est un fidèle du Premier ministre démissionnaire. Il devrait rester au pouvoir au moins 45 jours, période au cours de laquelle Shahbaz Sharif pourra démissionner de ses fonctions à la tête de la province du Punjab et se présenter à une élection partielle pour entrer au Parlement.

L'opposant Imran Khan a dénoncé une dérive monarchique. "Des partis politiques n'ont pas la démocratie en eux. Ce sont des partis familiaux. En fait, c'est une forme de monarchie", a dit à Reuters l'ex-star du cricket, dont le parti est à l'origine de la plainte qui a abouti à la destitution de Sharif.

Ces décisions plongent à nouveau le Pakistan dans une zone de turbulences politiques après une période de relative stabilité, marquée par une amélioration de la sécurité.

L'éviction de Nawaz Sharif, qui dirigeait le gouvernement pour la troisième fois après avoir été poussé à la démission en 1993 et chassé par un coup d'Etat en 1999, pose de nouvelles questions sur la solidité de la démocratie pakistanaise, aucun Premier ministre n'ayant réussi à achever son mandat depuis l'indépendance du pays en 1947.

L'ARMÉE MISE EN CAUSE

Au sein de la PML-N, beaucoup voient la main de la puissante armée dans la chute de Nawaz Sharif.

"Nous savons très bien quel est le crime de Nawaz Sharif et quel est celui de la Ligue musulmane. Que demandons-nous ? Nous demandons la suprématie de la société civile", a déclaré le ministre des Chemins de fer, Khawaja Saad Rafiq, devant la presse.

L'armée ne s'est pour l'heure pas exprimée sur la chute de Nawaz Sharif et n'a pas non plus commenté les accusations selon laquelle elle était à l'origine de cette destitution.

A l'unanimité, la Cour suprême a jugé que Nawaz Sharif n'était plus à même d'exercer ses fonctions au vu des conclusions d'une enquête sur la fortune du chef du gouvernement et de sa famille.

Les accusations qui visent Sharif découlent de la publication l'an dernier des "Panama Papers", des documents du cabinet Mossack-Fonseca, basé au Panama, qui semblent montrer que la fille et deux fils du Premier ministre pakistanais démissionnaire ont possédé des actifs offshore et s'en sont servi pour acheter des biens immobiliers à Londres.

En avril, la Cour suprême avait estimé que les éléments à sa disposition ne justifiaient pas la destitution du chef du gouvernement, mais avait demandé un complément d'enquête.

Nawaz Sharif a démenti toute malversation et dénoncé un complot.

(Avec Syed Raza Hassan et Kay Johnson; Nicolas Delame, Jean-Stéphane Brosse et Henri-Pierre André pour le service français)