Onze morts au Kenya, l'opposition dénonce une violence orchestrée

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Une jeune kenyane tuee dans un tir de la police a nairobi[reuters.com]
(Crédits : Thomas Mukoya)

par Humphrey Malalo

NAIROBI (Reuters) - Des affrontements post-électoraux ont fait au moins onze morts au Kenya en 24 heures après la proclamation de la réélection d'Uhuru Kenyatta que l'opposition accuse d'avoir planifié ces violences pour réduire ses adversaires au silence.

Des manifestations se sont formées dans la ville de Kisumu, fief de l'opposition dans l'ouest du pays, ainsi que dans certains quartiers défavorisés de la capitale Nairobi, précisent des responsables kényans et des témoins.

Le bilan des violences reste pour l'instant incertain, la coalition de l'opposition affirmant, sans apporter de preuves, qu'une centaine de personnes, dont une dizaine d'enfants, ont été tuées par les forces de sécurité.

La Commission nationale kényane des droits de l'homme avance pour sa part le nombre de 24 personnes tuées par la police depuis le jour du scrutin, mardi.

Johnson Muthama, un des proches de l'opposant malheureux Raila Odinga, a déclaré que les forces de l'ordre récupéraient les cadavres dans des sacs mortuaires, une déclaration de nature à exacerber les tensions.

De son côté, le ministre de l'Intérieur Fred Matiang'i a indiqué que les troubles étaient localisés et a accusé des "éléments criminels" d'en être responsables, démentant les accusations de brutalités policières.

"Des individus et des bandes pillent des magasins, mettent en danger des vies en s'introduisant dans les commerces d'autres personnes. Ce ne sont pas des manifestants. Ce sont des criminels et on attend de la police qu'elle les traite comme elle doit le faire", a dit Fred Matiang'i.

Selon James Orengo, un autre membre de l'opposition, ces violences font partie d'un plan soigneusement mis au point par le parti du Kenyatta et par les forces de sécurité pour truquer l'élection et réprimer l'opposition.

"Ils savaient ce qu'ils allaient faire. Ils savaient qu'ils allaient voler l'élection. Ils savaient que les gens ne seraient pas contents et de fait tous les instruments de la violence étaient en place", a expliqué James Orengo.

Les corps de neuf jeunes gens, tués par balles au cours de la nuit dans le quartier de Mathare, bastion de Raila Odinga, ont été transférés à la morgue de Nairobi, a indiqué un responsable des services de sécurité à Reuters.

Ces morts sont intervenues lors d'opérations de la police contre des actes de pillage, a-t-il ajouté.

Selon un témoin, une jeune fille a été tuée par une balle perdue à Mathare lors de tirs sporadiques des forces de police qui intervenaient contre des manifestants.

Selon une source gouvernementale, les violences ont fait un autre mort, un homme tué dans le district de Kisumu, foyer des graves violences post-électorales de 2007 qui avaient fait 1.200 morts et 600.000 déplacés.

L'OPPOSITION PARLE D'UNE "FARCE"

A l'hôpital central de Kisumu, quatre personnes touchées par balles ont été admises dans la nuit de vendredi à samedi et six autres ont été battues par des policiers. Samedi matin, de nouveaux coups de feu ont été entendus à proximité de l'hôpital.

Un journaliste de Reuters a constaté que les forces de sécurité faisaient usage de balles réelles et de gaz lacrymogènes dans cette localité.

A Nairobi, la télévision kényane a filmé l'intervention d'unités de police, aidées par des canons à eau, dans les rues de Kibera, un autre bidonville favorable à Odinga.

Les incidents ont éclaté dès la proclamation de la réélection de Kenyatta, tard vendredi soir, par la commission électorale. Le président sortant a été crédité de 54,27% des suffrages exprimés mardi, contre 44,74% au chef de file de l'opposition.

Kenyatta a appelé le peuple kényan à l'unité nationale et à la paix pour la période post-électorale.

L'opposition, qui a dénoncé une "farce" électorale, a contesté le déroulement du scrutin dans les heures ayant suivi la fermeture des bureaux de vote, Odinga affirmant que le système informatique de la commission avait été piratée.

Le Groupe d'observation des élections (Elog), dont 6.000 observateurs indépendants ont surveillé le déroulement du scrutin, a annoncé samedi matin que son propre décompte était conforme aux résultats proclamés par la commission électorale.

Selon l'Elog, Kenyatta l'emporte avec 54% des voix.

"Nous n'avons rien vu qui ait été délibérément manipulé", a déclaré lors d'une conférence de presse Regina Opondo, présidente du comité directeur de l'Elog.

(avec Ed Cropley; Henri-Pierre André pour le service français)