La réforme de l'apprentissage très attendue par les PME

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(Crédits : Pool New)

par Caroline Pailliez

PARIS(Reuters) - La réforme de l'apprentissage et de la formation professionnelle, censée offrir un emploi à 150.000 chômeurs et à 150.000 jeunes avant la fin du quinquennat d'Emmanuel Macron, est très attendue par les petites et moyennes entreprises qui n'arrivent pas à recruter malgré le chômage de masse.

Les nombreux emplois non pourvus faute, notamment, des qualifications nécessaires ont de quoi surprendre dans un pays où le taux de chômage était, selon le Bureau international du travail, de 9,5% au deuxième trimestre de 2017 (23,1% pour les 15-24 ans), malgré plus de 30 milliards d'euros dépensés chaque année pour former les travailleurs et financer des apprentis.

La région de Cholet, dans les Pays de la Loire, vit par exemple un rebond industriel qui donne des vertiges à ses entrepreneurs. Les listes des offres d'emploi s'allongent et tous les secteurs en profitent, de l'agroalimentaire aux transports, en passant par le bâtiment et la métallurgie.

Rien que dans le Pays Choletais, une agglomération du département de Maine-et-Loire, le Medef local a recensé 1.500 offres pour 152 entreprises.

Le hic, c'est que la plupart de ces offres restent vacantes.

"C'est un problème d'image. On n'arrive pas à attirer les gens dans les usines", a expliqué à Reuters Pierre Tisseau, le dirigeant de Rénoval, une entreprise de fabrication de vérandas de 160 salariés à Yzernay.

Pourtant, le nombre de demandeurs d'emploi dans la région dépasse les 8.950 personnes, selon le Medef.

Pour Pierre Tisseau, qui dit vivre une pénurie de main d'oeuvre depuis 2008, la réforme de l'apprentissage et de la formation professionnelle promise par la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, pourrait faire la différence.

TOUT MISER SUR L'ALTERNANCE

Le gouvernement, qui entamera jeudi les consultations sur ce dossier avec les partenaires sociaux, a dévoilé fin septembre les grandes lignes de son programme d'investissement pour le secteur de la formation, qui a coûté 31,6 milliards d'euros en 2014 aux entreprises, aux régions et à l'Etat.

L'investissement annuel de l'Etat représente, à lui seul, 3,8 milliards d'euros.

Au total, ce sont 15 milliards d'euros supplémentaires que le gouvernement entend débloquer pendant le quinquennat, dont la majorité - 13,8 milliards d'euros - serviront à former les demandeurs d'emplois et les jeunes décrocheurs.

Avec cet investissement, le gouvernement prévoit une baisse de 0,5 point du taux de chômage structurel et une amélioration du taux d'emploi des jeunes de deux points.

Le modèle allemand de formation et d'apprentissage est cité, qui permet à ce pays d'avoir un taux de chômage de 3,8% au deuxième trimestre 2017 au sens du BIT (6,6% pour les 15-24 ans), avec un pourcentage des 15-29 ans non scolarisés ni en formation ou sans emploi, de 8,56% en 2015 (le double en France), selon l'OCDE.

"VOIE ROYALE"

Le Premier ministre Edouard Philippe l'avait implicitement reconnu le 14 septembre dernier dans un discours en estimant que l'apprentissage était "voie royale pour l'insertion".

"Une voie royale dont nous avons perdu le chemin alors que d'autres pays l'empruntent massivement, depuis de nombreuses années et avec succès", avait-il déclaré.

Parmi les mesures proposées par le gouvernement français: mettre en place des indicateurs de performance pour mieux évaluer la valeur ajoutée des organismes de formation, développer les formations à distance, favoriser l'apprentissage dans le cas des jeunes décrocheurs et renforcer leur accompagnement dans la recherche d'emploi.

Pierre Tisseau dit miser beaucoup sur l'alternance, qui permet d'alterner études et séjours en entreprise.

"Pour nous, c'est le meilleur moyen de recrutement et d'intégration", a expliqué ce patron qui engage en moyenne cinq "alternants" par année et qui en recherche cinq de plus.

Même discours pour Laurent Morillon, un autre entrepreneur de la région. "Ce sont loin d'être des voies de garage", dit le dirigeant de Morillon SAS, société de machinerie, à propos des contrats d'apprentissage et de professionnalisation.

Le patron de cette entreprise de 50 salariés fonctionne également avec une moyenne de cinq alternants. Il engage des jeunes en CAP ou bac professionnel et, après quelques mois de formation, les envoie travailler chez ses clients à travers le monde. Plus de 80% de son chiffre d'affaires est réalisé au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique Latine.

"Ils sont ravis. Ils apprennent l'anglais, ils ont des postes à responsabilité", a-t-il dit. "Il y a vraiment des perspectives d'évolution."

UN SYSTÈME CHRONOPHAGE

L'autre volet de la réforme, c'est la simplification des canaux de financement de la formation professionnelle, pour lesquels les discussions devraient débuter début novembre.

Pour l'instant, les entreprises doivent verser un pourcentage de leur masse salariale dans un fonds destiné à la formation des salariés. Ce fonds, estimé à 6,71 milliards d'euros, est géré par les partenaires sociaux.

Pour que leurs salariés en bénéficient, les entreprises déposent des dossiers à travers le compte personnel de formation (CPF) de ces derniers. Mais ce système, considéré comme chronophage, est largement décrié par les PME.

"En ce moment, il faut faire des tas de démarches auprès des organismes. S'il manque un papier, on repart de zéro", a dit Hervé Raineteau, vice-président d'ASP, une société de nettoyage de bureaux, chantiers et locaux dans la région de Cholet.

"Souvent, lorsque la formation n'est pas trop chère, on laisse tomber. On la finance nous-même."

Pour cette entreprise de 40 salariés, ce dispositif creuse encore l'écart entre les diplômés et les moins qualifiés.

"La plupart de nos salariés ne sont pas capables d'ouvrir un CPF si on ne les assiste pas", a-t-il poursuivi. "On a l'impression que la majorité des formations va à l'élite."

La Confédération des PME (CPME), qui n'était pas signataire de la dernière réforme de 2015, mise beaucoup sur cette refonte.

"Aujourd'hui, il faut une réforme qui simplifie. Il faut négocier quelque chose qui soit lisible et stable", a dit Jean-Michel Pottier, le vice-président de la Confédération.

(Edité par Yves Clarisse)