Une ONG demande l'audition de Fabius sur Lafarge en Syrie

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Une ong demande l'audition de fabius sur lafarge en syrie[reuters.com]
(Crédits : Philippe Wojazer)

PARIS (Reuters) - L'ONG Sherpa, partie civile dans une enquête sur les activités en Syrie du cimentier LafargeHolcim, a demandé mercredi à la justice d'entendre comme témoins l'ex-ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius et deux anciens ambassadeurs de France, a-t-on appris vendredi auprès de cette association.

Une information judiciaire a été ouverte le 13 juin par le parquet de Paris contre le groupe franco-suisse dans l'affaire de la cimenterie Lafarge de Djalabiya pour financement d'entreprise terroriste et mise en danger de la vie d'autrui.

Cette procédure fait suite à une plainte avec constitution de partie civile déposée le 15 novembre 2016 par Sherpa et l'ONG European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR), ainsi que par 11 plaignants et ex-salariés syriens.

La filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS) est notamment soupçonnée d'avoir contribué à financer l'Etat islamique en lui versant de l'argent en 2013-2014 pour pouvoir continuer à travailler dans une région contrôlée par cette organisation.

"Il faut aussi rechercher la responsabilité de l'Etat si jamais l'Etat est aussi impliqué", a expliqué à Reuters Marie-Laure Guislain, responsable de Sherpa, qui suit ce dossier.

"C'est pourquoi il est important de demander à ces personnes si elles ont des informations intéressantes", a-t-elle ajouté.

Sherpa souhaite notamment établir si le ministère des Affaires étrangères français était au courant de ces arrangements et a encouragé Lafarge à maintenir ses activités dans la Syrie en guerre, comme l'ont laissé entendre plusieurs cadres du groupe interrogés dans une procédure parallèle.

Le parquet a en effet ouvert en octobre 2016 une enquête préliminaire sur la base d'une plainte de l'ancien ministre des Finances Michel Sapin pour infraction au code des douanes.

D'ANCIENS SALARIÉS ENTENDUS

Selon Sherpa, un ancien cadre de Lafarge, qui a travaillé 30 ans pour le groupe, "a déclaré avoir été en contact régulier avec le Quai d'Orsay, qui n'a jamais dit à Lafarge d'arrêter (ses activités en Syrie), bien au contraire".

"Le Quai d'Orsay n'a eu de cesse de dire que tout allait s'arranger et qu'il fallait tenir. Nous demandons à vérifier", ajoute-t-on de même source.

Dans l'immédiat, personne dans l'entourage de Laurent Fabius, aujourd'hui président du Conseil constitutionnel, au Quai d'Orsay ou à LafargeHolcim n'était disponible pour commenter ces informations.

Quatre anciens salariés syriens de LCS ont jusqu'ici été entendus par un des juges chargés de l'information judiciaire.

Selon Marie-Laure Guislain, le dernier en date, entendu jeudi, a notamment raconté qu'il avait été enlevé pendant une dizaine de jours et décrit la peur dans laquelle vivaient les salariés de l'usine de Djalabiya.

Il a également raconté comment la trentaine de salariés encore sur le site avaient été livrés à eux-mêmes lors de l'attaque de l'usine par Daech en septembre 2014.

"Il n'est pas question seulement de financement du terrorisme mais aussi potentiellement de complicité de crime de guerre et de crime contre l'humanité", dit Marie-Laure Guislain.

L'ONG souhaite que les sept autres salariés plaignants soient aussi entendus. Mais "ils n'ont pas les moyens de venir et ont des problèmes de visa", a précisé Marie-Laure Guislain, selon qui trois d'entre eux sont bloqués en Turquie.

(Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)