L'exécutif interpellé de tous côtés pour plus de justice sociale

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L'executif interpelle de tous cotes pour plus de justice sociale[reuters.com]
(Crédits : Pascal Rossignol)

par Elizabeth Pineau

PARIS (Reuters) - De la CFDT au Parti socialiste en passant par le MoDem et même La République en marche (LREM), l'exécutif français est invité à infléchir vers davantage de justice sociale une politique perçue dans l'opinion comme oublieuse des plus fragiles.

Les tentatives de mise en lumière des choix d'Emmanuel Macron, notamment fiscaux, n'ont jusqu'ici guère atténué les attaques contre un président vu comme le défenseur d'une élite dont il est issu, voire méprisant avec les défavorisés.

Reçu vendredi à l'Elysée dans le cadre des consultations sur les prochaines réformes, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a déploré "un certain nombre de dispositions prises ces derniers mois qui tombent souvent du mauvais côté, c'est-à-dire pas du côté de la justice sociale".

Baisse de l'aide publique au logement (APL), réduction des emplois aidés, adoption par ordonnances d'une réforme du travail contestée dans la rue : beaucoup de Français, notamment sympathisants d'une gauche qui estiment avoir fait élire le jeune président de 39 ans, déplorent ces choix.

"Emmanuel Macron a été élu face au Front national. Il y avait une attente d'une forme de bienveillance, d'une politique de cohésion sociale. Ça n'a pas été dans ce sens-là", a regretté Laurent Berger sur Europe 1.

METTRE EN MARCHE LA "JAMBE SOCIALE"

Malgré les explications du gouvernement, notamment via son porte-parole Christophe Castaner, la revalorisation des minima sociaux, de l'allocation adulte handicapé et de la prime d'activité envisagés dans le budget 2018 ont été moins visibles que la suppression de l'impôt sur la fortune (ISF) et son remplacement par une taxe sur la fortune immobilière (IFI).

Les exceptions consenties sur les signes ostentatoires de richesse comme les yachts n'ont guère modifié la donne. Selon un sondage Odoxa publié jeudi, une écrasante majorité de Français (82%) pense ainsi que les grandes fortunes sont "plutôt avantagées" par la politique fiscale.

Le sujet fait débat au Parlement, jusqu'au sein de la majorité. Si les députés Républicains "constructifs" plaident pour une suppression totale de l'ISF, les centristes réclament, eux, un meilleur "équilibre social".

Dans un entretien aux Echos, le député MoDem Jean-Louis Bourlanges demande d'aller "plus loin sur la voie d'une redistribution fiscale que l'impôt sur le revenu assume de plus en plus mal."

Au sein du groupe LREM, peu expressif jusqu'ici, environ 130 députés ont signé une tribune explicative sous le titre : "Promesses tenues : le budget de la justice sociale et de l'efficacité économique".

La fibre sociale s'exprime aussi via des élus comme Brigitte Bourguignon, qui évoque dans Le Parisien la nécessité "de mettre en marche la 'jambe sociale' du projet du chef de l'Etat".

Sans vouloir créer un courant et encore moins une "fronde", l'élue LREM du Pas-de-Calais, présidente de la commission des Affaires sociales à l'Assemblée, se veut "une force de proposition" sur des sujets comme la pauvreté et les seniors.

La tentation libérale du gouvernement ne fait en revanche aucun doute pour les députés de gauche, minoritaires au Parlement, notamment issus de La France insoumise qui a combattu dans la rue la réforme du Code du travail.

Au PS, l'ancien ministre de l'Economie Michel Sapin a fustigé un budget 2018 des "très, très riches", mettant Bercy au défi de publier la somme dont vont bénéficier les 100 premières fortunes de France du fait de la transformation de l'ISF.

"FAIRE LES POCHES DES PAUVRES, CE N'EST PAS LE PROGRÈS"

Pour le député socialiste Boris Vallaud, l'Elysée se trompe de logiciel.

"Faire les poches des pauvres, ce n'est pas le progrès", a-t-il dit à Reuters. "Pour Emmanuel Macron, une politique efficace sera forcément juste. Or pour nous, seule une politique juste peut être efficace".

Conscient des potentiels dégâts sur l'image de ce début de quinquennat, l'exécutif tente de redresser la barre.

"Le président lance une concertation avec les acteurs associatifs qui se conclura par la présentation d'une stratégie de prévention de lutte contre la pauvreté", souligne l'Elysée. "Au moment de cette présentation, le chef de l'Etat fera sans doute un discours".

En attendant, le Premier ministre Edouard Philippe a présenté vendredi un plan contre les déserts médicaux.

Sur RTL, le secrétaire d'État chargé du Numérique, Mounir Mahjoubi, a évoqué le souci d'"une France qui est performante" mais où "personne n'est laissé sur le côté."

"Quand on n'a pas internet, quand on n'a pas le médecin, quand on n'a pas l'école, évidemment qu'on se sent un peu à part", a-t-il dit. "Toute la politique de notre gouvernement, c'est d'aller vers ces territoires, dans les quartiers populaires, et de dire : 'On est là'".

(Avec Marine Pennetier, édité par Yves Clarisse)