La France doit conforter son autonomie stratégique, selon un rapport

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La france doit conforter son autonomie strategique, selon un rapport[reuters.com]
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par Sophie Louet

PARIS (Reuters) - La France doit conforter son autonomie stratégique, en préservant un modèle d'armée complet, et oeuvrer à des coopérations renforcées en Europe pour faire face à l'accélération et à l'intensification des menaces dans le monde, souligne la Revue stratégique remise vendredi à Emmanuel Macron.

La ministre des Armées Florence Parly a communiqué au chef de l'Etat ce document attendu par les armées dans un contexte budgétaire et géopolitique tendu afin de redéfinir les intérêts et priorités stratégiques de la France, engagée sur plusieurs théâtres extérieurs, en Afrique et au Levant.

Voulue par Emmanuel Macron, menée sous l'égide de l'eurodéputé LR Arnaud Danjean, cette revue actualise le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 qui à l'époque ne faisait pas mention de la menace djihadiste.

Depuis, les attentats qui ont frappé la France, "la dégradation sécuritaire aux frontières européennes", la menace russe, les risques cyber, les incertitudes liées au Brexit et à l'élection de Donald Trump, la prolifération nucléaire, la crise migratoire ont bouleversé la donne.

La revue fait le point de ces "risques élevés d'escalade" pour aider à mieux appréhender les missions futures des armées, particulièrement Sentinelle et les opérations extérieures (Opex), dont le format et les moyens seront définis par la loi de programmation militaire pour la période 2019-2025 qui devrait être adoptée d'ici à la fin du premier semestre 2018.

"La probabilité de retrait rapide d'un certain nombre de théâtres est assez faible, ce qui ne signifie pas que le mode opératoire, le mode d'intervention, ne doivent pas être revus", a déclaré Florence Parly lors d'une conférence de presse.

LA GÉOGRAPHIE, CRITÈRE "NON EXCLUSIF"

"Il faut beaucoup de souplesse, réévaluer très régulièrement nos interventions parce que le contexte est extrêmement mouvant", a ajouté Arnaud Danjean, à ses côtés.

La revue souligne que la géographie demeure "un paramètre important" dans la définition des priorités stratégiques mais qu'elle n'est pas "un critère exclusif". En tout état de cause, elle juge que "la consolidation des points d'appui militaires français" reste "indispensable" en Afrique.

Dans un écho à la passe d'armes budgétaire entre Emmanuel Macron et le général Pierre de Villiers et aux mises en garde de son successeur, le général François Lecointre, sur les "réflexes de régulation sauvages", la revue met en exergue la nécessité de garantir "la soutenabilité" des engagements militaires français.

"La cohérence dans la durée entre leurs missions et leurs moyens est décisive pour conforter leur efficacité".

Elle fixe pour priorités le maintien en condition opérationnelle des équipements, le renforcement des capacités des forces spéciales et des investissements humains et techniques en matière de renseignement et de cyberdéfense.

Sur ce dernier point, Arnaud Danjean a insisté sur la nécessité de rendre à la prévention "toute son importance", rappelant "les limites de l'action militaire", "qui doit être accompagnée d'actions diplomatiques et de développement".

"Il faut à la fois renouveler les équipements et permettre des investissements pour l'avenir, c'est ce double balancement qu'il va nous falloir organiser dans la LPM", a dit la ministre.

La revue suggère de rompre l'isolement de la France - dans la bande sahélo-saharienne notamment, où 4.000 hommes sont engagés dans le cadre de l'opération Barkhane - en développant les partenariats. Une invite aux alliés occidentaux, les Européens au premier chef, pour un partage du fardeau.

"LA FRANCE NE PEUT PAS FAIRE FACE SEULE"

"La France ne peut pas, bien entendu, faire face seule et partout à ces défis", peut-on lire dans la revue. "Notre autonomie, que nous souhaitons la plus complète possible, est réelle mais relative dans un certain nombre de domaines."

"Nos partenaires, européens et américains, sont indispensables pour faire face à ces défis", soulignent les 16 artisans de la revue, qui ont auditionné quelque 140 personnalités françaises et étrangères et se sont rendus notamment aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne.

A l'aune de ces "indispensables solidarités", la revue insiste sur la nécessité de développer les partenariats européens, militaires et industriels, qui se sont heurtés "aux limites de formules incantatoires et de projets irréalistes."

Les auteurs recommandent à cet égard "pragmatisme" et "flexibilité" pour coopérer avec l'Allemagne, le Royaume-Uni et "les pays européens ayant la capacité et la volonté d'avancer".

Dans "un environnement stratégique instable et incertain" qui imposera immanquablement une sollicitation accrue des armées, les auteurs rappellent l'obligation de préserver "un modèle d'armée complet et équilibré sur le long terme", ainsi que "le maintien de la dissuasion nucléaire".

"Certains en seront pour leur frais, mais nous n'avons pas la prétention d'apporter des éléments inédits", a dit Arnaud Danjean, qui plaide pour une "puissante" ambition technologique afin d'assurer l'avenir de l'industrie de Défense.

"La France a une singularité stratégique que nous devons assumer sans arrogance. Nous ne bâtirons pas des partenariats robustes, efficaces, en nous affaiblissant nous-mêmes".

(avec Marine Pennetier, édité par Yves Clarisse)