Vote crucial au Sénat américain pour la réforme des impôts

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Vote crucial au senat americain pour la reforme des impots[reuters.com]
(Crédits : Mike Theiler)

par David Morgan

WASHINGTON (Reuters) - Le projet de réforme des impôts porté par Donald Trump passe un test crucial ce jeudi au Sénat, où les républicains tenteront de faire adopter une résolution budgétaire susceptible d'accélérer son examen parlementaire en vue d'une promulgation d'ici la fin de l'année.

La majorité républicaine, qui ne dispose que de 52 des 100 sièges du Sénat, entend contourner les risques de "filibuster", ou obstruction parlementaire, au moyen d'une procédure législative particulière introduite en 1974 dans le droit parlementaire américain.

Cet outil parlementaire nommé "réconciliation" permet l'examen accéléré au Sénat d'un projet de loi portant sur les dépenses, les recettes ou le plafond de la dette fédérale en limitant dans le temps l'examen des amendements et en interdisant les manoeuvres d'obstruction parlementaire.

En vertu des règles générales encadrant l'activité du Sénat, un projet de loi peut être paralysé par des débats virtuellement illimités et par le dépôt de nombreux amendements. Pour contourner ces pratiques d'obstruction, un vote à la majorité qualifiée des trois cinquièmes, soit 60 sénateurs, est requis.

En revanche, dans le cadre d'un projet de loi issu des "directives de réconciliation" intégrées dans une résolution budgétaire, la durée totale du débat consacré à son examen est limitée dans le temps sans qu'il ne soit nécessaire de procéder à un vote à la majorité qualifiée, rappelle le Center on Budget and Policy Priorities (CBPP), un institut de recherches non partisan.

Le vote prévu ce jeudi au Sénat porte précisément sur une "résolution budgétaire" qui activerait cet outil législatif pour la réforme des impôts.

Même si le sénateur républicain Rand Paul a menacé de s'y opposer, le Parti républicain semble disposer de suffisamment de voix pour la faire passer, quitte à en passer par la voix du vice-président Mike Pence qui serait prépondérante en camp d'égalité à 50 voix pour, 50 voix contre.

Le président Donald Trump s'est dit persuadé que les républicains réuniraient assez de voix.

"Je pense que nous réussirons ce soir. Ce sera peut-être pendant la nuit, peut-être avant. Je pense que nous avons les votes pour le budget, qui sera la première phase de nos baisses d'impôts massives - et de la réforme", a-t-il dit à des journalistes à la Maison blanche.

"AU NOM DES 0,1% LES PLUS RICHES"

Les sénateurs républicains, qui ont été incapables de rassembler les voix nécessaires pour abroger la réforme Obama de l'assurance maladie, sont sous pression pour réussir cette fois à faire avancer le projet de réforme des impôts, dont l'administration Trump dit qu'elle est sans précédent depuis les années Reagan.

La résolution budgétaire mise au voix en serait la première étape. Elle prévoit de relever de 1.500 milliards de dollars le plafond du déficit public sur les dix prochaines années à hauteur des baisses d'impôts - et donc du manque à gagner en recettes fiscales - prévues.

Si elle est adoptée, elle devra être harmonisée ('réconciliée') avec la résolution distincte déjà adoptée par la Chambre des représentants.

De sources républicaines au Congrès, on estime que deux semaines suffiront à une commission mixte Sénat-Chambre des représentants pour négocier un texte commun, et qu'une loi réformant les impôts pourra être inscrite à l'ordre du jour de la Chambre des représentants dès le début du mois de novembre.

Dans ses grandes lignes, le projet de réforme des impôts prévoit de baisser de 35% à 20% le taux d'imposition sur le bénéfice des sociétés; sur l'impôt sur les revenus, il vise à ramener le nombre de tranches de sept à trois, avec des taux d'imposition de 12, 25 et 35% (contre 39,6% d'imposition actuelle sur la tranche supérieure des revenus).

L'administration Trump juge que la réforme favorisera l'emploi et les salaires.

Le Parti démocrate accuse les républicains de vouloir favoriser les nantis et réduire les prestations sociales telles que Medicaid et Medicare, des programmes fédéraux d'assurance maladie.

"Nous parlons d'un parti politique majeur qui travaille désormais nuit et jour au nom des 0,1% les plus riches de la population", a déclaré mardi à Reuters le sénateur Bernie Sanders, indépendant affilié au groupe démocrate et adversaire malheureux d'Hillary Clinton lors de la primaire démocrate en vue de l'élection présidentielle de l'an dernier.

D'après les fiscalistes du Tax Policy Center, un centre d'études non-partisan, les bénéfices de cette baisse de la fiscalité profiteraient très largement aux revenus élevés.

Moins de 10% des bénéfices de la réforme iraient à la classe moyenne, tandis qu'environ 70% irait aux 20% les plus aisés. Environ un tiers de ces bénéfices profiterait à la part de 1% des revenus les plus élevés et environ un cinquième à la part de 0,1% des plus riches, selon le Tax Policy Center.

(avec Richard Cowan, Amanda Becker et Doina Chiacu; Juliette Rouillon et Henri-Pierre André pour le service français, édité par Jean-Stéphane Brosse)