Exode de civils kurdes face à l'armée irakienne

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Exode de civils kurdes face a l'armee irakienne[reuters.com]
(Crédits : Ari Jalal)

par Maher Chmaytelli

BAGDAD (Reuters) - Quelque cent mille civils kurdes ont fui depuis le début de la semaine l'avancée des forces armées irakiennes dans le nord de l'Irak, où les combattants kurdes peshmergas se retirent des zones qu'ils contrôlaient depuis trois ans.

Nouveau signe des tensions entre le gouvernement central et les autorités kurdes, la Cour suprême irakienne a ordonné jeudi l'arrestation du vice-président de la région autonome du Kurdistan, Kosra Rassoul, accusé d'avoir présenté comme des "forces d'occupation" les unités de l'armée qui ont pris lundi le contrôle de la ville de Kirkouk.

Cette démonstration de force des autorités de Bagdad fait suite au référendum d'autodétermination organisé le 25 septembre par le gouvernement régional du Kurdistan (GRK), au cours duquel les Kurdes se sont massivement prononcés pour l'indépendance de la région.

Les peshmergas kurdes se sont retirés sur les positions qu'ils tenaient dans le Nord en juin 2014, au moment de la poussée éclair des djihadistes du groupe Etat islamique (EI).

Quelque 100.000 civils kurdes ont fui Kirkouk depuis la reprise par l'armée de cette ville pétrolière, a affirmé jeudi le GRK.

Dans le détail, le gouverneur d'Erbil, Nawzad Hadi, a précisé que 18.000 familles avaient trouvé refuge à Erbil et Souleimanieh, les deux grandes villes du Kurdistan irakien.

Kirkouk fait partie des "territoires disputés" dont le gouvernemental central de Bagdad et les autorités autonomes du Kurdistan irakien revendiquent chacun la possession.

INQUIÉTUDE DE L'ONU

C'est une ville d'un million d'habitants peuplée de Kurdes sunnites, majoritaires, d'Arabes également sunnites et de Turkmènes chiites. Les Kurdes, qui géraient la cité depuis trois ans, craignent des représailles de la part des autres communautés.

Un conseiller du président kurde Massoud Barzani, Hemin Haourami, a affirmé que des civils kurdes fuyaient aussi la ville de Touz Khourmato, à 75 kilomètres au sud-est de Kirkouk, chassés par les Unités de mobilisation populaire, une force appuyée par l'Iran et composée principalement de chiites.

Le Premier ministre irakien, Haïdar al Abadi, a ordonné jeudi l'arrestation de membres des forces de sécurité accusés d'avoir maltraité des Kurdes dans la ville de Khanakine.

"La population kurde de Khanakine s'est soulevée contre la milice Assaïb Ahl Al Haq, a brandi le drapeau kurde dans la ville et a chassé les miliciens", a affirmé sur Twitter Hemin Hawrami. Assaïb Ahl Al Haq est l'une des principales composantes des Unités de mobilisation populaire.

L'Onu a fait part jeudi de son inquiétude à la suite des informations faisant état de déplacements forcés de civils, principalement kurdes, et du saccage de leurs habitations.

"Les Nations unies appellent le gouvernement irakien à prendre toutes les mesures pour mettre fin aux violations (des droits de l'homme), s'assurer que tous les civils soient protégés et que soient traduits en justice les auteurs des actes de violence, d'intimidation et de déplacements forcés", précise dans un communiqué la mission d'assistance de l'Onu en Irak.

INCENDIES ET DESTRUCTIONS

Des habitants de Kirkouk ont affirmé mercredi que des bureaux appartenant à des partis politiques turkmènes favorables au référendum avaient été attaqués.

A Touz Khourmato, selon certaines informations, 150 maisons auraient été incendiées et onze autres détruites à l'explosif, ajoute l'Onu.

Le ministre des Affaires étrangères du GRK, Falah Moustafa Bakir, dans une interview jeudi à CNN, a assuré que son gouvernement n'avait jamais eu l'intention d'entrer en guerre contre l'armée irakienne.

Un dialogue est nécessaire entre les autorités kurdes et l'Irak afin de parvenir à une compréhension commune, a déclaré le responsable kurde, ajoutant que le différend n'était en rien lié à la question du pétrole ou du drapeau national, mais bien au destin de deux pays.

La production de pétrole dans la région de Kirkouk a été perturbée cette semaine par les opérations militaires mais le ministère irakien du Pétrole pense la ramener à son niveau normal d'ici dimanche.

Environ 240.000 barils par jour (BPJ) transitent actuellement par l'oléoduc qui relie le Kurdistan irakien au port turc de Ceyhan, a-t-on appris jeudi de source industrielle. En temps normal, ce sont 600.000 bpj qui passent par cet oléoduc.

Bagdad a mis en garde les compagnies pétrolières qui seraient tentées de conclure des contrats avec les autorités du Kurdistan irakien.

(Avec Hesham Hajali; Julie Carriat, Henri-Pierre André et Guy Kerivel pour le service français)