USA : Le Sénat ouvre la voie à une réforme fiscale cette année

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(Crédits : Zach Gibson)

par David Morgan

WASHINGTON (Reuters) - Le Sénat américain a adopté à une voix près une résolution budgétaire qui va accélérer l'examen parlementaire de la réforme de la fiscalité voulue par Donald Trump et pourrait permettre sa promulgation d'ici la fin de l'année.

Les sénateurs ont voté jeudi par 51 voix contre 49 en faveur de la résolution qui permet de relever de 1.500 milliards de dollars le plafond du déficit public sur les dix prochaines années, à hauteur des baisses d'impôts - et donc du manque à gagner en recettes fiscales - prévues.

"Avec ce budget, nous allons pouvoir fournir les allègements fiscaux dont ont tant besoin les contribuables et les familles qui ont supporté le poids d'un code des impôts injuste", a déclaré le chef de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell

Ce vote est aussi un succès personnel pour Mitch McConnell, qui s'est attiré les foudres de Donald Trump en ne parvenant pas à rassembler les voix nécessaires pour abroger l'Obamacare, la réforme du système de protection santé.

Le président américain s'est réjoui du vote qui, dit-il sur Twitter vendredi, va permettre l'adoption de baisses d'impôts "qui seront les plus importantes de l'histoire de notre pays".

CONTOURNER L'OBSTRUCTION

Pour éviter un nouvel échec au Congrès, la majorité républicaine, qui dispose de 52 des 100 sièges du Sénat, a eu recours à une procédure législative particulière introduite en 1974 dans le droit parlementaire américain pour contourner les risques de "filibuster", ou obstruction parlementaire.

Cet outil parlementaire, nommé "réconciliation", permet l'examen accéléré au Sénat d'un projet de loi portant sur les dépenses, les recettes ou le plafond de la dette fédérale en limitant dans le temps l'examen des amendements et en interdisant le "filibuster".

En vertu des règles générales encadrant l'activité du Sénat, un projet de loi peut être paralysé par des débats virtuellement sans fin et le dépôt de nombreux amendements. Pour contourner ces pratiques d'obstruction, un vote à la majorité qualifiée des trois cinquièmes, soit 60 sénateurs, est requis.

En revanche, dans le cadre d'un projet de loi issu des "directives de réconciliation" intégrées dans une résolution budgétaire, la durée du débat consacré à son examen est limitée dans le temps sans qu'il soit nécessaire de procéder à un vote à la majorité qualifiée, rappelle le Center on Budget and Policy Priorities (CBPP), un institut de recherches non partisan.

C'est cette "résolution budgétaire" que les sénateurs ont adoptée jeudi.

Le texte doit désormais être harmonisé avec une résolution distincte déjà adoptée par la Chambre des représentants.

De sources républicaines au Congrès, on estime que deux semaines suffiront à une commission mixte Sénat-Chambre pour négocier un texte commun, et qu'une loi réformant les impôts pourra être inscrite à l'ordre du jour de la Chambre des représentants au début du mois de novembre.

"AU NOM DES 0,1% LES PLUS RICHES"

Dans ses grandes lignes, le projet de réforme des impôts prévoit de baisser de 35% à 20% le taux d'imposition sur le bénéfice des sociétés. Pour l'impôt sur les revenus, il vise à ramener le nombre de tranches de sept à trois, avec des taux d'imposition de 12, 25 et 35% (contre 39,6% d'imposition actuelle sur la tranche supérieure des revenus).

L'administration Trump, qui parle d'une réforme sans précédent depuis les années Reagan, juge qu'elle bénéficiera à l'emploi et aux salaires.

Le Parti démocrate accuse en revanche les républicains de vouloir favoriser les nantis et réduire les prestations sociales telles que Medicaid et Medicare, des programmes fédéraux d'assurance maladie.

"Nous avons un parti politique majeur qui travaille désormais nuit et jour au nom des 0,1% les plus riches de la population", a déclaré mardi à Reuters le sénateur Bernie Sanders, indépendant affilié au groupe démocrate et adversaire malheureux d'Hillary Clinton lors de la primaire démocrate en vue de l'élection présidentielle de l'an dernier.

"Ce n'est pas une mauvaise loi budgétaire, c'est une loi budgétaire horrible", a-t-il martelé jeudi.

D'après les fiscalistes du Tax Policy Center, un centre d'études non partisan, les bénéfices de la baisse de la fiscalité profiteront très largement aux revenus élevés.

Moins de 10% des bénéfices de la réforme iraient à la classe moyenne, tandis qu'environ 70% iraient aux 20% les plus aisés. Un tiers environ de ces bénéfices profiterait à la part de 1% des revenus les plus élevés et un cinquième à la part de 0,1% des plus riches, selon le Tax Policy Center.

(avec Richard Cowan, Amanda Becker, Doina Chiacu et Susan Heavey, Juliette Rouillon, Henri-Pierre André et Tangi Salaün pour le service français, édité par Gilles Trequesser)