Renforcé par sa victoire, Abe devrait abolir le pacifisme

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(Crédits : Toru Hanai)

par Linda Sieg

TOKYO (Reuters) - Le Premier ministre japonais Shinzo Abe devrait profiter de sa très large victoire aux élections législatives anticipées de dimanche pour lancer rapidement une révision de la Constitution et lui donner un tour nettement moins pacifiste, estiment les observateurs.

Il s'agit en pratique de modifier l'article 9 de la loi fondamentale par lequel le Japon s'interdit le recours à la guerre pour résoudre ses conflits internationaux. Selon l'interprétation donnée à cette disposition votée alors que les forces américaines occupaient le pays, l'armée japonaise, la Force d'autodéfense (FDS) selon son nom officiel, ne peut être utilisée pour l'attaque.

Cet article est considéré par ses partisans comme le fondement du Japon démocratique d'après-Guerre mais, dans les rangs conservateurs, on a tendance à estimer qu'il a été imposé pour humilier un Japon vaincu en 1945.

"M. Abe essaie de laisser une trace. Son projet premier a été de sortir l'économie de la déflation. Son second legs sera de modifier la Constitution", commente Jesper Koll, qui dirige de fonds d'investissement en actions WisdomTree Japan.

Pour être adoptée, une révision de la Constitution doit pouvoir réunir une majorité des deux tiers des membres de chaque chambre du Parlement et une majorité lors d'un référendum.

Une première réforme législative a eu lieu en 2015, qui autorise le Japon à participer à des forces d'autodéfense collectives, c'est-à-dire à aider des alliés qui seraient attaqués.

RAZ-DE-MARÉE

Les sondages montrent une opinion divisée au sujet d'une révision de l'article 9. Selon un sondage commandé par la chaîne de télévision NHK avant les élections, 32% des personnes interrogées se disaient favorables à une révision de l'article 9, 21% y étaient opposées et 39% disaient ne pas savoir.

La coalition formée par le Parti libéral démocrate (PLD, droite) de Shinzo Abe et le parti Komeito (centre-droit), favorable à une modification de la Constitution de 1946, a remporté près de 80% des 465 sièges à la chambre basse dimanche, selon les estimations de la presse.

Les chiffres définitifs sont attendus lundi dans la journée.

Face à ce raz-de-marée, le principal groupe d'opposition sera représenté par les élus d'une toute nouvelle formation, le Parti démocrate constitutionnel (PDC). Constitué de membres de l'aile gauche du Parti démocrate progressiste (PDP), qui n'est plus représenté à la Chambre des représentants, il a remporté 54 sièges. Son président, Yukio Edano, estime que les lois de 2015 ont été votées en violation de la Constitution.

Le parti Komeito lui-même se montre prudent sur le sujet d'une révision de l'article 9, d'autant que certains de ses partisans ont voté pour le PDC. Il estime en outre que le principal parti d'opposition doit être d'accord avec les changements proposés.

Shinzo Abe dit vouloir rassembler les autres partis sur la question, et notamment le nouveau Parti de l'espoir (conservateur) de la gouverneure de Tokyo, Yuriko Koike. L'objectif qu'il avait cité de modifier la Constitution à l'horizon 2020 n'est plus mentionné.

"D'abord, je veux approfondir le débat et faire qu'un nombre aussi grand que possible de personnes soient d'accord", a déclaré le chef du gouvernement à une chaîne de télévision dimanche soir. "Il faut mettre la priorité là-dessus".

(Danielle Rouquié pour le service français)