USA : Une nouvelle taxe qui fait grincer des dents

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(Crédits : Guadalupe Pardo)

par Amanda Becker et Tom Bergin

WASHINGTON/LONDRES (Reuters) - Le projet de réforme fiscale dévoilé cette semaine aux Etats-Unis prévoit notamment une taxe de 20% sur certaines transactions transfrontalières susceptible d'affecter fortement les multinationales européennes en particulier, de l'avis d'experts de la fiscalité.

Certaines de ces multinationales jouissent d'une imposition légère sur leurs profits dégagés aux Etats-Unis grâce aux traités fiscaux en vigueur ou au rapatriement desdits profits dans leur pays d'origine ou dans une autre juridiction à la fiscalité avantageuse.

D'autres experts font valoir que cette disposition pourrait entrer en conflit avec les traités fiscaux internationaux, avec l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) et d'autres instances et normes internationales qui interdisent la double imposition des bénéfices dans le cas où la taxe ne prendrait pas en compte les impôts sur le revenu versés dans d'autres pays.

Ce nouvel impôt indirect, profondément enfoui dans les 429 pages du projet de loi approuvé par le président Donald Trump, a pris de court les experts en fiscalité des entreprises, qui s'attellent à en comprendre les tenants et les aboutissants.

Reuters a contacté sept multinationales et quatre fédérations professionnelles. Aucune ne s'est exprimée directement à ce sujet, la plupart se contentant de dire qu'elles en étaient encore à examiner le texte en son entier.

La proposition figure dans une réforme fiscale globale devoilée jeudi par des députés républicains de la Chambre des Représentants et dont l'objet est un allègement général de la pression fiscale et une simplification du code des impôts.

Que cette réforme fiscale prenne force de loi, rien n'est moins sûr car on lui reproche notamment d'aggraver le déficit budgétaire et de favoriser les riches et les grandes entreprises.

Néanmoins, le volet de la fiscalité des sociétés est ambitieux et vaut la peine d'être débattu, de l'avis d'experts. Le droit d'accise de 20% veut ainsi réprimer les abus qui peuvent survenir avec les prix de transfert, qui gouvernent les flux de biens, services et droits de propriété intellectuelle entre sociétés-mères et leurs filiales locales.

Au point de vue du droit international, ces différents prix doivent être proches de ceux du marché. Toutefois, si une société-mère non américaine impose à ses filiales américaines des prix de transfert artificiellement majorés, elle peut réduire son imposition non seulement aux Etats-unis mais aussi à l'échelle de l'ensemble du groupe.

"Il y a à l'évidence un problème avec les prix de transfert et il faut faire quelque chose", dit Steven Rosenthal, associé du groupe de réflexion new-yorkais Tax Policy Center.

"Pour moi, ce droit d'accise de 20% est une façon brute de traiter le problème. Dans ce cas, on fait parfois mouche mais parfois aussi on tape là où on ne voulait pas".

155 MILLIARDS DE DOLLARS

Cette taxe, qui n'entrerait en vigueur qu'après 2018, ne s'appliquerait qu'aux entreprises dont les paiements émanant de filiales américaines et destinés à des sociétés affiliées non américaines dépasseraient 100 millions de dollars.

Les entreprises européennes qui vendent aux Etats-Unis des produits fabriqués à l'étranger par le biais de filiales de distribution locales risqueraient d'être parmi les plus touchées par ce nouvel impôt, dit Michael Mundaca, expert en fiscalité du cabinet comptable Ernst & Young, qui occupa des responsabilités fiscales au sein du Trésor américain.

Ces entreprises pourraient se retrouver soumises à une double imposition: au droit d'accise aux Etats-Unis et à la fiscalité de leur pays d'origine, qui ne prendrait pas en compte le droit d'accise en question s'il n'y avait pas au préalable un amendement au traité fiscal bilatéral.

"Je suis sûr qu'ils (des responsables européens) appellent déjà leurs homologues du Trésor américain en quête d'explication (...) mettant en avant le fait que cela risquerait d'être contraire aux obligations du traité", explique Mundaca.

Gavin Ekins, économiste de la Tax Foundation, un groupe de réflexion conservateur, estime que la plupart des multinationales choisiront d'éviter cette imposition parallèle en choisissant de se soumettre à l'impôt sur les sociétés (IS) sur la totalité des bénéfices réalisés par la vente de produits aux Etats-Unis.

L'IS passera de 35% à 20% si le projet de réforme fiscale est entériné par le Congrès.

On pense que la réforme en elle-même alourdira de 1.500 milliards de dollars sur 10 ans une dette publique qui atteint les 20.000 milliards de dollars et le droit d'accise projeté est l'une des nouvelles sources de revenus censées prévenir un déficit encore plus énorme. Elle rapporterait dans les 155 milliards de dollars en l'espace de 10 ans, suivant un résumé de la proposition de loi républicaine présentée cette semaine.

Quoi qu'il en soit, il paraît évident que les multinationales étrangères vont mettre tout en oeuvre pour que ce nouvel impôt indirect ne voit jamais le jour et il est possible qu'elles se rallient des entreprises américaines qui ont des liens avec des affiliés étrangers.

(Avec Kevin Drawbaugh à Washington, David Morgan à West Lafayette, Indiana, Joe White à Detroit, Michael Erman à New York, Paresh Dave et Jonathan Weber à San Francisco et Sruthi Ramakrishnan à Bangalore, Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par)