Les Zimbabwéens fêtent la chute attendue du président Robert Mugabe

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(Crédits : Philimon Bulawayo)

par MacDonald Dzirutwe et Joe Brock

HARARE (Reuters) - Le parti au pouvoir au Zimbabwe devrait mettre à l'écart dimanche le président Robert Mugabe et rétablir dans ses fonctions le vice-président Emmerson Mnangagwa, a-t-on appris samedi au sein du parti, tandis que des milliers de Zimbabwéens fêtaient par anticipation la chute du chef de l'Etat.

Robert Mugabe, qui est âgé de 93 ans, a, dans les faits été évincé mercredi, après 37 années au pouvoir, quand l'armée a pris le contrôle du pays et l'a assigné à résidence.

La télévision d'Etat a annoncé samedi soir que Robert Mugabe aurait une réunion avec les commandants militaires dimanche, une annonce qu'elle a attribué au prêtre Fidelis Mukonori, qui joue le rôle de médiateur dans les négociations avec le président.

Sans attendre l'annonce officielle, des milliers de personnes ont envahi les rues de la capitale, Harare, samedi, chantant, dansant, serrant les militaires dans leurs bras.

Dans des scènes rappelant la chute du dictateur roumain Nicolae Ceausescu en 1989, des hommes, des femmes et des enfants accompagnaient en courant les véhicules blindés et les militaires qui sont intervenus à partir de mercredi pour mettre fin au pouvoir du seul dirigeant qu'ait connu le pays depuis l'indépendance en 1980 (d'abord comme Premier ministre puis comme président).

Confiné dans sa somptueuse résidence, celui qui a fini par mener à la ruine un des pays les plus prometteurs du continent africain a vu s'évaporer en moins de trois jours le soutien de son parti, des forces de l'ordre et de la population.

Le parti au pouvoir, la Zanu-PF, doit se réunir dimanche à partir de 10h30 (08h30 GMT) en comité central pour écarter de la présidence du parti Robert Mugabe, a-t-on appris au sein du parti. Le comité central devrait aussi évincer de la tête de sa Ligue des Femmes celle qui était favorite pour lui succéder, son épouse Grace Mugabe, qui est âgée de 52 ans.

Peu populaire, Grace Mugabe est connue des Zimbabwéens pour son goût du luxe lui a valu le surnom de "Gucci Grace". Elle est aussi surnommée "Dis-Grace" pour sa propension supposée à l'agressivité.

Le neveu de Robert Mugabe, Patrick Zhuwao, qui s'exprimait d'un lieu indéterminé en Afrique du Sud, a déclaré à Reuters que le vieux dirigeant et son épouse étaient "prêts à mourir pour ce qui est juste" plutôt que de démissionner dans le but de légitimer ce qu'il a décrit comme un coup d'Etat.

"LIBRES, ENFIN"

L'ancien vice-président Emmerson Mnangagwa, 75 ans, dont l'éviction la semaine dernière a précipité l'intervention de l'armée, devrait être rétabli dans ses fonctions dimanche, apprend-on dans les rangs de la Zanu-PF.

L'ex-chef des services secrets, surnommé le "Crocodile", vétéran comme Mugabe de la lutte anticoloniale, devrait former un gouvernement intérimaire d'unité nationale, selon des documents des services secrets consultés par Reuters.

Stabiliser une économie en chute libre sera sa priorité, lit-on dans ces documents.

La prochaine élection présidentielle est prévue en 2018.

Les Etats-Unis, très critiques depuis longtemps à l'endroit de celui qui est considéré par beaucoup comme un dictateur après avoir été un symbole de la lutte anticoloniale, ont dit leur intérêt pour la "nouvelle ère" qui s'ouvre au Zimbabwe.

Dans les rues de Harare, les Zimbabwéens parlaient d'une seconde libération de l'ancienne colonie britannique ainsi que de leurs rêves de changement politique et économique après deux décennies de souffrances et de répression.

"Ce sont des larmes de joie", a déclaré Frank Mutsindikwa, 34 ans, en brandissant le drapeau zimbabwéen. "J'ai attendu ce jour toute ma vie. Libre, enfin. Nous sommes libres, enfin."

Les Zimbabwéens à l'étranger sont également descendus dans la rue. A Londres, ils se sont rassemblés devant leur ambassade.

Au terme de deux décennies de mauvaise gestion économique qui ont commencé en 2000 avec l'éviction des fermiers blancs, trois millions de Zimbabwéens ont émigré, la plupart en Afrique du Sud voisine.

En octobre, le taux d'inflation mensuel a été supérieur à 50%, selon les calculs de certains économistes, ce qui met les biens de première nécessité hors de portée de nombreux Zimbabwéens das un pays où le taux de chômage s'élève à 90% de la population active.

La seule apparition publique de Robert Mugabe depuis l'intervention de l'armée, a eu lieu vendredi, à l'occasion d'une cérémonie de remise de diplômes. Il est apparu fatigué et s'est même endormi un moment sur son siège.

Selon un dirigeant de la Zanu-PF, son départ n'est qu'une question de temps.

"Il s'entête, nous nous arrangerons pour qu'il soit limogé dimanche", explique-t-on. "Quand ce sera fait, ce sera la destitution, mardi."

(Avec Ed Cropley à Johannesburg et Emelia Sithole-Matarise à Londres; Tangi Salaün et Danielle Rouquié pour le service français)